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CHARLES. 449 vaincu, discussions fécondes néanmoins, car on y rassemble des matériaux pour ces méditations solitaires qui fortifient ou transforment les convictions. Quel est l'art le plus difficile? grande et oiseuse question, s'il en fût jamais. C'est la sculp- ture, disent les sculpteurs; selon les peintres, c'est la pein- ture ; d'un côté, l'on crie : vive la forme, à bas la couleur! de l'autre, vive la couleur, à bas la forme ! Aujourd'hui, encore, peu de personnes sentent combien c'est un grand sacrilège de vouloir rompre en plusieurs fractions une indi- visible unité. Quant à Charles, pour appuyer d'une preuve sans réplique son opinion de jeune homme, il parie de mo- deler de prime abord une tête signalée comme l'une des plus épineuses, et de suite il se met à l'œuvre. Cette étude terminée, il en entreprend une seconde, seulement, pour prouver que le succès de la première n'est point dû au hasard; puis après la seconde, une troisième, une quatrième, chaque jour amenant un lendemain. Mais, pendant ce temps, l'art de Phidias, de Michel-Ange, se développait à ses yeux, s'emparait de son esprit, de son âme, de son être tout entier. Bref, la boîte à couleur ne fut point achetée ; il ne reparut plus parmi les peintres; un défi d'atelier l'avait fait sculp- teur. La sculpture, en effet, semble être le côté de l'art qui conviendrait particulièrement aux natures énergiques. Les principales opérations qui s'y rattachent exigent l'union in- time de l'intelligence et de la force, et, sous ce double rap- port, la puissance de l'homme s'y montre peut-être d'une manière plus complète. Les gens du monde, môme beau- coup d'artistes, sont en général fort peu initiés à ces com- binaisons ingénieuses. Le procédé par lequel le modèle d'argile se métamorphose en un plâtre solide, celui non moins savant que l'on emploie pour contraindre un bloc à revêtir la forme, les contours de ce plâtre, sont autant de 29