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250 LES FRÈRES parcouru tant de mers ! visité tant déciles! 1) comprend que Dieu réserve à d'autres mains la gloire de cette der- nière moisson. Il s'est alors adressé à l'un de ses plus intelligents compagnons, le Frère Charles d'Ognissanti, et le Frère Charles est parti pour la France. C'est lui que nous voyons depuis quelque temps à Paris. Si vous l'avez, par hasard, rencontré dans les rues, vous vous êtes sûrement arrêté pour admirer ce beau costume levantin, et plus en- core la noble tête de celui qui le porte, un type romain à la fois énergique et doux ; et si vous avez reçu chez vous le Frère Charles, si vous l'avez vu chez lui ou dans le monde, vous aurez été frappé de la mobile expression de cette fi- gure qui fait paraître tant d'intelligence et de cœur. Sa con- versation vous donne tout ce que promet sa figure ; mais, à vrai dire, pour jouir bien complètement de cela, il faut savoir l'italien, et le laisser parler sa belle langue. Il vous dira alors ses voyages. On ne saurait croire combien ses récils sont attachants. Que de travers! que de périls! que de fatigues et de privations! Mais je veux, en courant, vous en rapporter quelque chose. En 1835, le Frère Charles était venu en Italie. Il parcourait le royaume de Naples. Le cho- léra y éclate toul-à -coup. Les populations éperdues fuient en vain devant le iléau : la mort est partout de l'une à l'autre mer. Sous ce ciel éclatant, dans cet air si pur et si doux, chargé de vie et de bonheur, il n'y a de fléau redouté que l'Etna, mais l'Etna menace avant de frapper: il obs- curcit les cieux d'épaisses fumées, il ébranle la terre, il rugit, il tonne. Les Napolitains vivent, tranquilles et confiants, à ses pieds ; ils comptent sur ces avertissements. Mais le choléra n'envoie pas aux peuples des précurseurs de ses colères ; il frappe h l'improviste, dans le silence, et il vous atteint partout. Il est comme cet ange dont parle l'Écriture, ange de mort, aux invisibles coups, que le Seigneur envoya dans