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473 plusieurs minutes avant de découvrir le roi au milieu de ce nuage. — Les Suisses, ai-je besoin de le dire, professaient pour la pipe un véritable culte. — La France seule, entourée d'états décidément fumeurs, ne s'était pas, avant l'empire, adonnée en masse à cet encens énergique ; il blessait les or- ganes délicats de ses marquis efféminés; la caste quiavaitmis à la mode la poudre à poudrer, le grasseyement, les mouches et les talons rouges, recula devant le parfum des véritables hommes; ceux que chérissent les femmes lui allaient mieux. Et pourtant, jusqu'ici, quoi qu'en dise M. Montain, je n'ai pu trouver dans la marche du tabac en France un temps de recul ni d'arrêt. Les chiffres donnés par la Physiologie du Fu- meur établissent, au contraire, une augmentation notableen sa faveur. Pendant les orages de la Révolution, son usage ne di- minua point ; en 1784< la ferme française payait pour lui seul 42,000,000 de francs au trésor, et gagnait encore. Dès la sup- pression du monopole, des milliers de commis voyageurs s'a- battirent sur les départements en concurrence, et y placèrent par monceaux les produits de nos entrepôts. Aujourd'hui, toutes les classes de la société contribuent à cet impôt réelle- ment national, et l'état en retire 90,000,000 de francs (L), sans compter la valeur de la contrebande. Que conclure de ces faits, si non que le tabac a surmonté tout esprit d'opposi- tion et de mode; qu'il est devenu un objet de première né- (L) Je ne sais comment m'y prendre pour adopter cette opinion des 90,000,000 d'impôt national. Ceci me rappelle qu'un écrivain distingué ayant fait mine d'écrire contre l'impôt du tabac fut appelé par le gouvernement d'alors à la direction de cet impôt, et qu'un autre qui écrivit pour l'usage eut également part aux faveurs de ce gouvernement. Certes, nous n'avons, ni l'un ni l'autre, des préten- tions pareilles. G. M.