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iiî Que ce borgne a bien plus fortune pour amie*' Qu'un de ces curieux qui, soufflant l'alchimie, De sage devient fol, et de riche indigent ! Cestuy là sent enfin sa vigueur consumée, Et voit tout son argent se résoudre en fumée, Mais lui, de la fumée il tire de l'argent, Jean Bart (G) fumait jusque dans l'antichambre de Louis XIV. Parmi les curiosités renfermées dans la salle d'armes du château d'Heidelberg, j'ai vu plusieurs pipes de terre trouvées sous les ruines d'une de ses tours renversées au commence- ment du XVIIe siècle. — Personne n'ignore que les Flamands et les Hollandais fumaient généralement longtemps avant eette époque. Leurs pipes, comme le témoignent les tableaux de Teniers et de A. Van Ostade(I630), étaient massives, mal faites, épaisses, à tuyau gros et court, enfin semblables en tout à celles de Heidelberg. — Des négociants anglais, à la tête desquels se mit le marquis de Caermarten amiral, don- nèrent à Pierre-le-Grand 15,000 livres sterling pour obtenir la permission de vendre du tabac en Russie. Le patriarche, par une sévérité mal entendue, avait proscrit cet objet de commerce; l'église russe défendait le tabac comme un péché; Pierre, mieux instruit (1), etc.—Frédéric, roi de Prusse, fu- mait fréquemment, et tous ses généraux imitaient son exem- ple; son cabinet était habituellement rempli d'une telle fumée, que les personnes qui avaient à lui parler restaient souvent (G) Jean Bart fumait jusque dans l'antichambre de Louis XIV. Croyez-vous qu'il en aurait moins valu s'il eût été un peu plus pro- pre et un peu plus poli ? Malgré cela, je serais souvent tenté de pardonner à certains fumeurs leur mauvaise odeur, s'ils avaient un peu du Jean Bart. G. M. (1) Voltaire, Vie de Pierre-le-Grand.