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169 ou Vardar (1). En vain son adoption contrariait-elle les vues des zélés sectateurs du Coran, en vain Amurat IV faisait-il étrangler ceux de ses sujets que l'on surprenait à fumer, et faisait-il exposer leurs têtes à côté de la pipe maudite, le tabac ne perdit point ses partisans. Non seulement la foule immense des Musulmans, qui s'était pliée à l'abstinence du vin et de certains autres objets défendus par Mahomet, ne voulait pas voir dans les anathèmes du prophète rien qui s'ap- pliquât à la plante nouvelle, mais elle en propageait la cultu- re avec une sorte de fureur, et se livrait à son usage avec le fanatisme qu'elle apporte ordinairement dans toutes ses pas- sions. Un autre fanatisme, aussi commun dans l'Orient que dans l'Occident, celui des persécutions, renouvelait de règne en règne ses tentatives ; mais toutes restaient vaines. Enfin, dit M. Michaud (2), le sièle présent, avec le sultan Mahmoud lui-même a lancé une sentence d'interdiction contre la fu- mée odorante, et son arrêt n'a pu être exécuté. Le puissant empereur des Osmanlis a triomphé des Janissaires, mais la pipe lui a résisté. Les personnes qui ne comprennent pas, ou qui nient les agréments du tabac, ne trouveront-elles pas un argument ir- résistible en sa faveur dans cet enthousiasme des orientaux pour lui ? A peine avait-il paru sur l'ancien continent, que l'Orient se l'appropriait, le modifiait, l'améliorait, créait pour lui des ustensiles nouveaux, changeait ses coutumes , établissait de nouvelles lois, bravait le despotisme et même l'opinion, celte souveraine del'Asie(3).Pour son tabac, l'Orien- tal cultive assiduement la terre, ce qu'il ne fait pas même pour son pain ; il souffle le cristal du narghilé, pétrit l'argile, fa- (1) Pouqueville, Voyage en Grèce. (2) Voyage en Orient. II. 198. (5) Ch. Linné, De homine.