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jourd'hui ! Avez-vous oublié combien les goûts varient, et
combien, maintenant encore, les nations les plus civilisées ont
conservé d'appétits dépravés! N'avez-vous rien lu des coutu-
mes barbares des anciens Gaulois, Espagnols, Germains
etBretons? Ne savez-vous pas que les Romains assaisonnaient
leurs mets avec de Vassa fœtida ? N'apprenons-nous pas de
Pline ( Nat. Hist.), et de saint Jérôme [Adv. Jovinianum ),
que les habitants de la Phrygie et du Pont regardaient com-
me un friand morceau leur cossus, dégoûtante larve d'un in-
secte, le cerf-volant ( lucanus cervus)'} N'avez-vous pas con-
servé quelque souvenir du passage en France des soldats
autrichiens, d'odieuse et sale mémoire? Que direz-vous donc
des Lapons ,et des Groënlandais qui boivent à longs traits et
avec délices l'huile rancie et nauséabonde des cétacés ?—Que
pensez-vous des Allemands qui festoient la soupe à la bière,
les harengs saurs aux pommes reinettes, la gelée de groseilles
mêlée au rôti ?—Les Belges, pour se rafraîchir, rongent une
sorte de poisson plat, cru, salé et sans pain.—Tous les méri-
dionaux consomment d'effrayantes quantités d'ail etd'oignon,
et nous Français, palais délicats, fins dégustateurs, nous re-
cherchons des fromages puants et des viandes en putréfac-
tion 1 — Toutes ces anomalies, et mille autres plus étranges
encore, peuvent avoir à vos yeux moins d'impoi tance que de
fumer ou de priser du tabac; mais, de bonne foi, dans tout
ceci, de quel côté sont la délicatesse et le goût ? Je crains
bien que ce ne soit du côté de la barbarie et de l'ignorance.
  Quant aux plaisirs que peut procurer le tabac, je trouve
dans leurs appréciateurs une majorité imposante. C'est le
quart de la France et des nations voisines, la moitié au moins

rum et de stercus diaboli, et je serai plus sévère que mon antago-
niste, je ne mettrai la délicatesse et le goût ni d'un côté, ni de
l'autre.
                                               G. M.