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S86 du Rhône, sous l'une des arches du pont de la Guillotière, pierre fatale sur laquelle étaient, dit-on, gravés ces mots, si complètement réalisés aujourd'hui : QUI M'A VUE À PLEURÉ QUI ME VERRA PLEURERA. Cette pierre, tout Lyon crédule est allé la voir, mais per- sonne ne l'a vue. Les oracles prennent toutes les formes, ils parlent par la bouche du peuple, mais ils ne se mon- trent jamais. Tous les journaux rapportèrent les menaçan- tes paroles de l'invisible prophète. Ils n'y croyaient pas plus qu'ils n'avaient cru, dix ans auparavant, aux prédic- tions du prince Hoenlohe annonçant pour 1840 1a destruction de Lyon parles eaux. Les eaux ont, en effet, pendant les premiers jours de novem- bre, tenté d'accomplir leur œuvre dévastalrice.Un vent du midi persistant, des pluies abondantes et continues (1) précédèrent de plusieurs jours ce terrible drame. On peut dire que le fléau s'est retiré de nous comme il était venu, au milieu d'un ef- frayant cortège d'éclairs et de tonnerres bien rares en pareil saison. Enfin, le 24 novembre, à huit heures du matin, quoi- qu'il n'eut pas plu de la nuit, un magnifique arc-en-ciel se dé- ployait radieusement au dessus de Fourvière, et semblait an- noncer à la cité la fin de ses malheurs. Pauvre Lyon, que de maux ont fondu sur lui en l'espace de quelques années : l'incendie, la guerre civile, la banqueroute et l'inondation, cette horrible calamité contre laquelle tous les efforts humains restent impuissants! Nous essayerons de suivre les phases diverses de ce grand événement et de peindre l'aspect de notre ville pendant ces jours néfastes. (1) Du 27 octobre au â novembre il est tombé 32 centimètres & milli- mètres d'eau, et, comme la quantité moyenne par année est de 54 cent- mètres, il résulte que, dans sept jours, nous avons eu plus d'eau que dans sept mois.