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318 quent trop souvent de l'intelligence sociale qui doit, sans contredit, régler le patriotisme à notre époque. Ceux-là seuls dont l'esprit a plus que les apparences de la profondeur, et chez qui la science n'a pas glacé l'ame, sont restés fidèles au culte éclairé de la patrie. M. Quinet est un de ces rares écri- vains chez qui le sentiment national est noblement développé, et certes, ce n'est pas faute devoir une large compréhension de la vie générale de l'humanité et de la philosophie de l'his- toire. Serait-ce à l'auteur d'Ahasvérus et de Prométhèe, au traducteur de Herder, au professeur que nous avons tous entendu, que l'on contesterait la grandeur et l'universalité des vues. C'est lui, dans cette heure de crise, qui nous fait entendre les paroles du plus chaleureux et du plus clairvo- yant patriotisme. La grande plaie faite à l'existence natio- nale par la journée de Waterloo et les traités de 1815 lui apparaît, avec raison, comme la cause incessante de nos dangers, comme la fatalité qui pèse sur la France; fatalité qu'elle doit vaincre sous peine de mort, et qu'elle ne pourra briser que par des efforts de vertu qui deviennent chaque jour plus difficiles. L'écrit de M. Quinet est de ces choses qu'on n'analyse pas, nous y renvoyons nos lecteurs a qui les fragments que nous citons pourront faire juger, par avance, si notre appréciation est fidèle. Quoique les graves pensées qui remplissent ces pages et les intérêts sacrés qu'elles agi- tent défendent presque d'en étudier le mérite littéraire, ce- pendant, c'est une chose si rare aujourd'hui que de la poli- tique écrite de ce style, qu'en lisant M. Quinet, notre émotion de citoyen n'a pu étouffer nos instincts d'ami de la belle forme et du noble langage. Cette véhémence grave et contenue, cette chaleur intime et vraie, cette élévation calme, frappant caractère des œuvres antiques, nous ont rappelé les magnifiques harangues de Thucydide. Aussi longtemps que le peuple qui a subi la défaite n'entreprend rien de sérieux, ses vainqueurs consentent à lui laisser croire qu'il a tout regagné. On alonge sa chaîne, il pense que le temps l'a usée ; mais le jour où il veut reparaître avec éclat et toucher aux grandes affaires, la dépendance où il est réduit, et qu'il a acceptée se fait rudement sentir. C'est là aujourd'hui ce qui arrive à la France. Elle a pu songer que les traités de 1815 étaient au moins à demi effacés tant qu'elle s'est occupée d'intérêts secondaires. Anvers, Ancôneont servi à lui faire illusion à cet égard. On l'a laissé caresser sa chi- mère quand rien de décisif n'était au fond de sa politique ; mais,