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quent trop souvent de l'intelligence sociale qui doit, sans
contredit, régler le patriotisme à notre époque. Ceux-là seuls
dont l'esprit a plus que les apparences de la profondeur, et
chez qui la science n'a pas glacé l'ame, sont restés fidèles au
culte éclairé de la patrie. M. Quinet est un de ces rares écri-
vains chez qui le sentiment national est noblement développé,
et certes, ce n'est pas faute devoir une large compréhension
de la vie générale de l'humanité et de la philosophie de l'his-
toire. Serait-ce à l'auteur d'Ahasvérus et de Prométhèe, au
traducteur de Herder, au professeur que nous avons tous
entendu, que l'on contesterait la grandeur et l'universalité
des vues. C'est lui, dans cette heure de crise, qui nous fait
entendre les paroles du plus chaleureux et du plus clairvo-
yant patriotisme. La grande plaie faite à l'existence natio-
nale par la journée de Waterloo et les traités de 1815 lui
apparaît, avec raison, comme la cause incessante de nos
dangers, comme la fatalité qui pèse sur la France; fatalité
qu'elle doit vaincre sous peine de mort, et qu'elle ne pourra
briser que par des efforts de vertu qui deviennent chaque
jour plus difficiles. L'écrit de M. Quinet est de ces choses
qu'on n'analyse pas, nous y renvoyons nos lecteurs a qui les
fragments que nous citons pourront faire juger, par avance,
si notre appréciation est fidèle. Quoique les graves pensées
qui remplissent ces pages et les intérêts sacrés qu'elles agi-
tent défendent presque d'en étudier le mérite littéraire, ce-
pendant, c'est une chose si rare aujourd'hui que de la poli-
tique écrite de ce style, qu'en lisant M. Quinet, notre
émotion de citoyen n'a pu étouffer nos instincts d'ami de la
belle forme et du noble langage. Cette véhémence grave et
contenue, cette chaleur intime et vraie, cette élévation calme,
frappant caractère des œuvres antiques, nous ont rappelé
les magnifiques harangues de Thucydide.

   Aussi longtemps que le peuple qui a subi la défaite n'entreprend
rien de sérieux, ses vainqueurs consentent à lui laisser croire qu'il a
tout regagné. On alonge sa chaîne, il pense que le temps l'a usée ;
mais le jour où il veut reparaître avec éclat et toucher aux grandes
affaires, la dépendance où il est réduit, et qu'il a acceptée se fait
rudement sentir. C'est là aujourd'hui ce qui arrive à la France. Elle
a pu songer que les traités de 1815 étaient au moins à demi effacés
tant qu'elle s'est occupée d'intérêts secondaires. Anvers, Ancôneont
servi à lui faire illusion à cet égard. On l'a laissé caresser sa chi-
mère quand rien de décisif n'était au fond de sa politique ; mais,