page suivante »
295 cultivateurs ; qu'en se glissant dans les habitudes de la plupart des employés, des travailleurs (1), il est nuisible à leurs propres intérêts, comme à ceux de la société. Aussi, bientôt on ne pourra plus pé- nétrer chez un marchand, sans être obligé de passer à travers un nuage de fumée. Le boulanger, le cuisinier, en altérant leur santé, imprègnent tout ce qu'ils préparent de l'odeur et de la saveur do la nicotiane. N'oublions pas d'autres dangers, tels que celui des in- cendies, si fréquents par l'incurie de certains fumeurs. On a vu des provisions de fourage, des meules de blé, des diligences, des mai- sons, des fermes entières, embrasées par quelques étincelles échap- pées d'un cigarre ou du brandon d'une pipe. Cette incurie de beau- coup de fumeurs tient à l'influence stupéfiante du tabac qui, comme je l'ai dit, agit, en quelque sorte, comme l'opium qui énerve, abâ- tardit les populations. Un fait tout nouveau vient encore corroborer l'importance de cette question. M. Barrot, dans une intéressante Notice, rapporte que l'empereur de la Chine a prohibé l'opium; le peuple le fumait avec fureur mêlé à la nicotiane et à des aromates. Mais les funestes effets du délire et do la léthargie produits par ce plaisir enivrant menaçaient tout un empire; l'incapacité, la démence en étaient les conséquences les plus ordinaires, le chef de l'état était menacé de régner sur un peuple d'idiots. La peine de mort fut d'a- bord prononcée et contre les fumeurs et contre les vendeurs; depuis, ce moyen, par trop énergique, a été remplacé par des sévères pu- nitions, et la première peine conservée pour les récidives. Le mal est grand, sans doute, les craintes sont fondées, mais le législateur dépasse les bornes delà raison et de l'humanité(2). (1) Voir le judicieux Mémoire de M. Pointe, professeur à l'Ecole de Méde- cine de Lyon, sur les maladies auxquelles sont sujets les ouvriers employés â la Manufacture royale de tabacs, à Lyon. (2) On pourrait déduire quelques conséquences de tout ce que j'ai avancé, en considérant que beaucoup de personnes, que des grandes populations ne peuvent perdre cette habitude devenue une espèce de besoin, et dire que les habitants du Nord, les contrées humides, comme l'Angleterre, la Hollande, peuvent fumer modérément sans inconvénient, ainsi que les tempéraments lymphatiques, mous et peu intellectuels, ceux qui par leur peu de capacité ou