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290 place dans la société. Eh bien! l'abus de la nicotîanearrêté, para- lyse tout, soit par sa propre puissance, soit par ses funestes consé- quences. Voyez ce jeune adolescent, encore plein de grâce et d'espérance, une pipe ou un cigarre à la bouche , se gonflant sérieusement les joues, en relevant fièrement la tête, et aspirant et rejetant alternativement de nombreuses bouffées de fumée suffo- quante. Sa démarche lente, ses yeux enflammés , son morne silence ne semblent-ils pas dénoncer un profond recueillement ? Ne diriez- vous pas qu'au milieu de cette atmosphère vaporeuse, s'isolant de la nature entière, il réunit ses souvenirs, réfléchit profondément, crée quelque nouveau poème, ou élève son imagination jusqu'aux cieux ? Eh bien ! il n'en est rien, il ne pense à rien, il est dans un état com- plet d'abnégation morale, il s'enivre. Telle est la puissance du tabae sur de jeunes cerveaux, et on ne peut pas la nier, pour peu que l'on soit de bonne foi. Les deux puissances médicatrices du tabae agissent successivement sur le cerveau et ses imporlantes fonctions : d'abord stimulées, ces fonctions paraissent prendre plus d'activité ; une sorte d'exaltation passagère en est le premier résultat. Mais bientôt l'effet stupéfiant se manifeste, c'est d'abord une douce ivresse qui assoupit l'intelli- gence, voile les impressions extérieures et en paralyse l'action (1). Voyez ce qui se passe dans l'empoisonnement par le tabac. Les symptômes se rapprochent de ceux de l'opium, surtout de ceux de la belladona ; il y a suspension de la faculté de raisonner, les yeux sont ouverts, le regard est fixe, le délire est loquace, accompa- gné de cris plaintifs et douloureux, le pouls est petit et fugitif, et finit par disparaître entièrement avec la vie, si l'art ne vient pas au secours du malade. On ne peut pas le nier, il y a un peu de tout cela dans les effets produits par l'abus du tabac chez les jeunes gens, et même chez tous ceux qui fument ou prisent avec excès. Les ver- tus de la nicotiane agissent lentement, mais elles n'en agissent pas moins; seulement, leur manifestation est moins marquée, elle s'é- mousse un peu par l'habitude et se voile par le temps. (t) M. Reese dit que les dames de l'Amérique du nord mangent du tabac, ci sont dans un état continuel d'iwesse.