page suivante »
281 marqué que le jeune sauvage de PAveyron n'a craché que plusieurs mois après avoir été pris, et il est évident que, le plus souvent, cette excrétion est produite par une irritation des glandes, une maladie de la bouche, du larynx, ou du poumon. Ainsi, cette sécrétion abondante est donc contre nature, elle fa- tigue les organes, et use ou détourne desfluidesutiles à une impor- tante fonction. Mais, ce qui est tout aussi grave, c'est que cette sa- live, imprégnée du suc vénéneux du tabac, va porter son action malfaisante sur l'estomac, soit qu'elle y pénètre dans l'intervalle des repas, soit qu'elle imprègne les aliments dirigés dans cet organe. Cette influence pernicieuse ne peut être réfutée, et elle agit de deux manières sur l'organe essentiel de la digestion : elle excite d'abord sa sensibilité et quelquefois même sa contractilité, sur- tout chez ceux qui ne sont pas blasés par l'habitude. Souvent même l'estomac est tellement surexcité que le vomissement en est le rô- sullat. Là commence, en quelque sorte, la double action du tabac : d'abord Je principe irritant provoque ces premiers phénomènes; puis le principe narcotique pervertit, stupéfie dans l'estomac la faculté de sentir et de se contracter. Ce viscère commence à devenir, comme on le dit, paresseux, l'appétit se perd, les digestions deviennent pé- nibles, des gastralgies se manifestent ; c'est là le principe, le com- mencement de diverses maladies. Cet état cède momentanément à une nouvelle imprégnation du principe vénéneux, pour se réveiller de nouveau et se perpétuer ainsi, sans que celui qui l'éprouve cher- che à en dévoiler la véritable cause. C'est surtout le matin, à jeun, quand l'estomac est, en quelque sorte, à nu, que cette influence est plus active et plus dangereuse. Le dernier effet de cette introduction de la salive imprégnée des principes narcotico-acres du tabac est tout à fait vénéneux. Ces prin- cipes sont absorbés et produisent une sorte d'empoisonnement lent, et qui peut, cependant, devenir promptement mortel si la dose de tabac est considérable. Les diverses expériences qui ont été faites sur les chiens, et les observations recueillies chez l'homme prouvent cette vérité, comme l'a dit M. le professeur Orfila. Le célèbre Sanieuil mourut dans des douleurs atroces, après avoir bu du vin dans lequel, par une plaisanterie impardonnable, on avait mis du tabac.