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gorïques, ou même des statues de rois ou d'empereurs, aux-
quels une ville, une province ne seront quelquefois rede-
vables que d'un mauvais gouvernement. Et quand même la
puissance et la gloire auraient marqué un règne, quand même
les peuples auraient joui en paix d'une heureuse abondance et
d'une prospérité due principalement au zèle du prince et à
son amour pour ses peuples, il nous semble que, dans l'érec-
tion des statues, dans une rémunération quelconque, les hom-
mes illustres d'une province, les bienfaiteurs, les regénéra-
teurs d'une ville doivent avoir le pas sur tout le reste. Il y
aura alors un sentiment de famille, en quelque sorte., qui fera
aimer la noble image d'un noble citoyen dont la carrière fut
signalée par des vertus et par d'éminents services. Mais, au
XIXe siècle, que peuvent signifier^ sur notre place de Belle-
cour une statue équestre de Louis XIV ? A quelle pensée, à
quelle affection locale et populaire cela répond-il?
    Malgré notre rétif enthousiasme pour la glorification des
hommes par les statues, nous sommes loin de nous plaindre
de ce qui se fait à Lyon, car les statues ne sont point ce qui
 dépare ou embarrasse la cilé. Il semble, toutefois, que l'on y
 va d'une belle ardeur, et nous aurons bientôt la statue du
 major général Martin. A la bonne heure pour de tels hommes,
 qui ont d'inconleslables droits à la reconnaissance de leurs
 concitoyens. Rien de mieux que de placer sous les yeux de la
foule ce modeste Jacquard, dont le génie d'abord méconnu
 sut apporter des trésors à nos fabriques lyonnaises, et adoucir
 à nos ouvriers un labeur difficile. D'autres villes ont donné le
 signal ; Strasbourg a inauguré son Gutenberg, el voilà que
 Boulogne-sur-Mer veut avoir son athée Daunou.
    11 est déplorable que la statue de Jacquard soit si malencon-
 treusement faite, et que les yeux les plus inexperts aient à se
 détourner de cet ouvrage informe. L'inauguration de ce mo-
 nument, sous une administration intelligente et habile, au-
 rait pu devenir pour la cité l'occasion d'une grande fête popu-
 laire, où fabricants et ouvriers, oublieux du passé, seraient
 venus fraterniser ensemble au pied de la statue de Jacquard.
 Mais, non ! au lieu d'une solennité en l'honneur du travail,
 nous n'avons eu qu'une banale cérémonie officielle. M. le
 maire s'est fait en toute hâte une espèce d'immortalité ; il a
 voulu léguer son nom à l'avenir, et il s'est beaucoup plus
 préoccupé de lui-même que de l'hommage à rendre à notre
 illustre mécanicien. Aucune dépulation n'a été appelée du
  dehors à assister à celle cérémonie, et les invitations ont
 été faites, pour notre cité même, de telle façon, que l'estrade
 réservée serait restée en grande partie inoccupée, si on ne
 l'avait ouverte à la foule qui se pressait autour.