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224 Pourquoi cette différence ? pourquoi cette estime exagérée des méthodes d'enseignement, et cette insouciance irréfléchie des principes éducateurs ? Cela tient, sans doute, à cette dis- position un peu frivole de l'opinion qui se prend à la forme extérieure plutôt qu'à la valeur intrinsèque, aux faits plutôt qu'aux idées, à l'action plutôt qu'à la théorie qui la déter- mine. Le dirai-je aussi, Messieurs, c'est un des caractères de notre époque plus active encore que philosophique, de se préoccuper médiocrement des grands intérêts de la pensée et de l'ame, et beaucoup des choses de la vie pratique. A mesure que la foi et le sentiment moral diminuent d'importance, on voit s'augmenter en proportiou l'estime des réalités positives. Alors la civilisation se mesure aux progrès de l'industrie, aux améliorations matérielles, aux perfectionnements mécani- ques de l'art, des gouvernements et de la mode. En politique ce qui passionne les esprits et ce qui les divise, ce ne sont pas les grandes questions sociales de mœurs et de croyances, mais les disputes infimes sur les personnes et les formes du pou- voir ; en littérature il s'agit bien moins de large inspiration et de haute moralité, que des futiles controverses de style ou d'école. Est-il étonnant qu'en matière d'éducation, il se ma- nifeste dans l'opinion un désordre analogue? Il semble, en effet, Messieurs, qu'on attache une importance extrême aux méthodes , aux classifications, à la partie instrumentale de l'enseignement, et qu'on ne s'occupe pas assez des principes, du point de vue moral, des pensées dominantes qui doivent pénétrer l'ame des instituteurs et gouverner l'ensemble de l'éducation. Aberration funeste qui frappe de stérilité les tentatives de réforme les plus ingénieuses et les mieux inten- tionnées ! Qu'importe, en effet, de perfectionner le méca- nisme , si le principe moteur manque d'énergie ou d'appro- priation ? qu'importent les formes les plus savantes et les mieux combinées, si le fonds môme est vicieux et impuissant ?