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157 l'esprit que le coin du feu serait une meilleure place, mais j'étais en route et je n'aime pas reculer. J'avais, du reste, assez à faire pour me préserver des chutes, et reconnaître mon chemin. Ce que je voulais, dans cette course de nuit, c'était de savoir si, changeant de système, mais conservant son goût pour les promenades à la belle étoile, la sainte Vierge de pierre, au lieu de venir de la vallée à la chapelle, n'allait pas de la chapelle à la vallée Je fus peut-être puni de ma curiosité et de m'être mêlé de ce qui ne me re- gardait pas, car, malgré mon attention soutenue pendant as- sez longtemps, je ne vis rien positivement. De retour chez moi, je ne regrettai cependant ni mon temps, ni ma peine. Je n'avais jamais vu ce paysage la nuit , et surtout par une nuit comme celle qu'il faisait, sombre à demi, froide et neigeuse. Ce n'était que par intervalles que les nuages s'entr'ouvraient, et la lumière de la lune, qui n'en paraissait que plus vive, faisait l'effet d'un vaste éclair plus pâle et moins rapide que dans l'orage. Cet éclair, sans la foudre, avait quelque chose de fantastique et de mystérieux. Il sem- ble qu'il doit toujours faire chaud dans la tempête. Le si- lence donnait l'idée d'un orage dans la campagne des om- bres, les vivants se chauffant en silence, ou dormant dans les chaumières. Quand les nuages s'étaient rejoints, j'écoutais le vent. Comme une armée qui se serait réunie dans la plaine et se jetterait ensuite sur un seul point, il bruissait d'abord sourdement dans la vallée, puis, tout-à -coup, il soufflait d'un seul souffle court, immense ; il passait impé- tueux sur la montagne, et jetait sur le toit de la chapelle et contre les murs des tourbillons sifflants de feuilles humides et flétries. Je supposais à ma place un montagnard dont l'imagination ardente et superstitieuse, sans qu'il put s'en rendre compte à lui-même, eût été impressionnée comme l'était la mienne, et