page suivante »
65 chanté longtemps les louanges de Dieu. Fils de veuve, il a esquivé la milice. Sans trop se tenir à l'écart, il a su pour- tant éluder, aux fêtes baladoires, le branle et la contredanse, pour ne pas être mal avec son curé. Sa vie durant, il s'est couché tard et levé tôt, a fiancé de bonne heure, et a passé par les emplois de marguiller, adjoint, prud'homme, répar- titeur, expert, régisseur de terres nobles et n'a jamais fait opposition à sa municipalité. Il meurt laissant beaucoup d'en- fants, une veuve peu consolable, un domaine bien cultivé. Aucun des paroissiens ne manque à ses obsèques ; et sa cen- dre devient ensuite une de ces cendres perdues, dont nos saint-Lambert déplorent l'obscurité, lorsqu'ils se prennent de belles passions, dans leurs élégies, pour nos cimetières de hameau. Il est facile de comprendre qu'une telle nature d'homme fait sensation dans un bourg, et que de son vivant, quand il survient entre voisins quelques malheureux discors, on a hâte d'en référer à ce sage du pays. Il y a, dès lors, nécessité pour lui d'intervenir et de divulguer la recette de cette vie mo- dèle. Or, le voici dans l'arène. Arbitre né des querelles d'au- trui, sa science infuse lui vaut cette investiture. Juge du camp, il préside à une foule de pactes de famille, et quand il faut se partager les prés, les bois entre parents, il devient géomètre, et à la liquidation, jurisconsulte bon gré mal gré. Une fois lancé, pour tant de cas difficiles qui se présen- tent, qui le débordent, il faut plus que l'almanach de France à ce capacitaire. Alors il achète la loi en cinq codes, puis celle en six, en sept, en huit, il la poursuit cette loi qui ne finit jamais dans ses recueils in-12, in-16, in-32, jus- que dans ses commentaires. Il s'inonde des manuels Roret, et c'est ensuite par tous les pores, que la science le pénè- tre, le gagne et en fait le Barthole de l'endroit, et plus tard l'Hortensius de sa justice de paix, â