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395 prenait qu'au moment où ces lignes fatales se liraient, il en aurait fini avec la vie. La blessure saignante encore s'ou- vrit plus profonde et plus douloureuse. Marianna jeta une amère parole aux froideurs concertées de Belnave, et lui dit, prés de fuir : « Vous ne pouviez mieux vous venger ! » Les tendres sollicitudes de Noémi furent vaines et stériles. « Le monde est grand , » disait Marianna, quand on lui demandait où elle voudrait retourner. Et cependant, quand il fallut s'exiler à tout jamais, quand les dernières ombres du pays natal flottèrent à ses yeux, ce fut une grande dé- faillance de l'ame. Elle se retourna avec tristesse : « Le bonheur était là , J> dit-elle, et c'est la conclusion morale du roman de M. Sandeau. Le bonheur est là , en effet, dans cette vie doublée par l'affection, et où tout se met en commun, les joies et les tristesses, les fatigues et les repos, les jouissances du pré- sent et, les inquiétudes de l'avenir. Tout est là , dans cette union jurée au pieds des autels, et où le plus fort aide au plus faible, où l'on marche de concert, à l'abri des tur- bulences de cette autre existence que Dieu punit, et que le monde sait flétrir aussi. Je crois que le lien social est toujours assez facile à se bri- ser, pour que d'imprudentes mains ne viennent pas le rompre encore, ou prêcher une folle et nuisible liberté. Les romans de Georges Sand, romans enfantés sous une inspiration spéciale et désastreuse, ont dû jeter le trouble dans un grand nombre de têtes disposées déjà à cette exaltation mécontente, qui ne respire et ne se trouve bien que des rêves brillants et inquiets. Que de pauvres femmes ont pu se dire qu'elles portent des âmes trop élevées et trop nobles pour les vulgaires époux qui enchaînent leur des- tinées avec la leur ! Que d'attachements, faibles déjà , ont