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235 sent être les artistes de Lyon, si familiarisés qu'ils soient avec toutes les belles choses par l'exécution des salons, peuvent- ils se flatter de comprendre et d'interpréter Beethoven après deux ou trois répétitions ? L'empressement que le public a mis à répondre à l'appel des artistes prouve suffisamment son goût, et montre assez quelle admiration il attache au nom de Beethoven. Se dou- tait-il cependant de toute la richesse du banquet auquel il était convié ? En était-il mieux informé que ce public pa- risien qui, depuis douze ans, s'en va, tous les hivers, enten- dre les symphonies au Conservatoire, sourit d'étonnement aux puissants caprices du maître, reste souvent impassible devant ses sublimes idées, et ne prend à ses meilleurs mor- ceaux d'autre plaisir que celui que la mémoire trouve aux canlilènes les plus vulgaires? L'art ayant toujours été traité chez nous comme une superfluitè, on pense que c'est assez de lui donner ses sens. Quand donc apprendrons-nous à lui ouvrir aussi notre ame et notre intelligence ? Quandnous serons persuadés que l'homme doit être élevé pour le beau, comme pour le vrai et pour le bien, et que l'éducation esthétique est, non seulement le complément nécessaire, mais encore le plus sûr garant de l'éducation morale et scientifique. Dans Beethoven, il y a deux hommes en un seul ; il y a d'abord un musicien sans pareil, que tous les musiciens com- prennent comme tel, et devant la puissance duquel, la foule, si ignorante qu'elle soit des règles de la science, ne peut s'em- pêcher de plier le genou; il y a ensuite, et surtout, un grand poète, le plus grand poète des temps modernes et peut-être de l'humanité entière. Beethoven a toute la variété, tout l'imprévu, toute la profondeur de Shakspeare; mais il a aussi la naïve grandeur, la simple majesté d'Homère. Ham- let a-t-il rien de plus mystérieux que Vendante de la sym- phonie en la ? Ne semble-t-il pas entendre le rire gigan-