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 sent être les artistes de Lyon, si familiarisés qu'ils soient avec
 toutes les belles choses par l'exécution des salons, peuvent-
 ils se flatter de comprendre et d'interpréter Beethoven après
 deux ou trois répétitions ?
     L'empressement que le public a mis à répondre à l'appel
 des artistes prouve suffisamment son goût, et montre assez
 quelle admiration il attache au nom de Beethoven. Se dou-
 tait-il cependant de toute la richesse du banquet auquel il
 était convié ? En était-il mieux informé que ce public pa-
 risien qui, depuis douze ans, s'en va, tous les hivers, enten-
 dre les symphonies au Conservatoire, sourit d'étonnement
aux puissants caprices du maître, reste souvent impassible
devant ses sublimes idées, et ne prend à ses meilleurs mor-
ceaux d'autre plaisir que celui que la mémoire trouve aux
canlilènes les plus vulgaires? L'art ayant toujours été traité
chez nous comme une superfluitè, on pense que c'est assez
de lui donner ses sens. Quand donc apprendrons-nous à lui
ouvrir aussi notre ame et notre intelligence ? Quandnous serons
persuadés que l'homme doit être élevé pour le beau, comme
pour le vrai et pour le bien, et que l'éducation esthétique est,
non seulement le complément nécessaire, mais encore le plus
sûr garant de l'éducation morale et scientifique.
   Dans Beethoven, il y a deux hommes en un seul ; il y a
d'abord un musicien sans pareil, que tous les musiciens com-
prennent comme tel, et devant la puissance duquel, la foule,
si ignorante qu'elle soit des règles de la science, ne peut s'em-
pêcher de plier le genou; il y a ensuite, et surtout, un grand
poète, le plus grand poète des temps modernes et peut-être
de l'humanité entière. Beethoven a toute la variété, tout
l'imprévu, toute la profondeur de Shakspeare; mais il a
aussi la naïve grandeur, la simple majesté d'Homère. Ham-
let a-t-il rien de plus mystérieux que Vendante de la sym-
phonie en la ? Ne semble-t-il pas entendre le rire gigan-