page suivante »
2J2
séparé de la communion romaine, et avait forcé l'Angleterre
à embrasser une religion bâtarde, imaginée par ce mo-
narque théologien. Roi et chef de l'église, tout à la fois,
il réunissait deux pouvoirs immenses qui firent comparer
sa royauté au despotisme oriental. — Edward VI, Monstrifi—
eus puellus, était mort trop tôt pour achever l'ouvrage com-
mencée par Cranmer et Somerset, et Marie sa sœur, the
bloody Mary, ne savait pas que l'échafaud n'a jamais con-
vaincu personne, ni que prétendre immoler des croyances dans
le sang, c'est donner à ces croyances leurs titres de noblesse,
puisque le sang fait les martyrs.
On ne voit pas que l'Angleterre ait fait d'énergiques et
d'unanimes protestations contre ces changements alternatifs
de religion, c'est que d'un côté le génie saxon n'était pas
ennemi d'une réforme religieuse, de l'autre, que les Tudors
tenaient leur sceptre d'une main vigoureuse ; cela explique
les innovations de Henri et d'Edward et la réaction catholique
de Marie : l'Aristocratie décimée pendant les guerres civiles,
appauvrie par la politique sombre et cupide de Henri VII,
s'était jetée avidement sur les dépouilles du clergé que lui
avait prodiguées la ruineuse munificence de Henri VIII; mais
en recevant, elle abdiquait de plus en plus sa vieille indé-
pendance, elle échangeait la libre solitude de ses châteaur
contre la pompeuse domesticité des cours, et l'homme féodal
disparaissait pour jamais sous la livrée chamarrée du varlet ;
telle était la destinée du seizième siècle, que la royauté fut
partout le seul pouvoir prépondérant, en France sous Fran-
çois 1 er et Henri II, en Espagne sous Charles-Quint et Phi-
lippe II, en Suède sous Gustave Wasa ; en Angleterre sous
Henri VIII et Elisabeth.
Pour démontrer cette prépondérance du pouvoir royal
sous Elisabeth, les preuves abondent; nous n'en citerons que
quelques-unes que nous choisirons dans les paroles pronon-