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fus profondément ému de ce que je voyais. L'idée indus-
 trielle et sérieuse ne me vint point. Je ne fus occupé que du
 spectacle que j'avais sous les yeux. Il était d'une poésie cal-
 me et grave. Ma première pensée fut de plaindre les ouvriers
 mineurs et je trouvai, en me comparant à eux qui ne vi-
 vent que dans la nuit et de leurs rudes travaux, que ma
 part des misères humaines étaient bien légère.
    Saint-Etienne est vraiment curieux à voir, mais il ne faut
 pas le voir longtemps. La curiosité se lasse et comme après le
 charme de la nouveauté, on trouve peu de chose, le besoin
 du changement se fait sentir. On peut aimer une personne
 bizarre, mais si cette bizarrerie est seule, si avec elle il n'y
 a ni esprit ni cœur, ni bonté ni intelligence, et seulement
 égoïsme et cupidité, quelle affection peut-on garder, quels
 souvenirs emporter ?....
    Mais avec le silence de vos bois, le bruit de vos ondes ,
avec vos parfums et vos fleurs, ô mes champs bien aimés ,
qui se souviendrait d'avoir eu des jours d'ennuis, de longues
heures? Je me retrouve assis devant le beau portail de la
grotte de C . . . ; mes regards vont sans se fixer sur rien à
travers une charmante vallée, se posant sur chacun des
groupes de saules ou de vernes jetés çà et là dans les prairies.
Le ciel au dessus de ma tête est pur, le soleil va se coucher
 et je n'aperçois plus ses rayons qu'au sommet de la monta-
gne : si j'ai eu mes années de stérilité pour la poésie et l'ame,
si au milieu des villes je me suis trouvé isolé dans la foule et
comme en un désert ; merci, mon Dieu 1 des jours que vous
m'accordez à la campagne ! La pensée s'y agrandit et s'épure;
elle se repose des études sérieuses dans la contemplation et
la rêverie ; elle y puise des forces pour l'avenir.
                                          DUMONT-REWER.

         Liebehaus, 1 e r janvier 1840.