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d'ouvrir un cours à Douai et six semaines plus tard, il
partait pour l'Allemagne. »
Ajoutons que, dans les villes môme, où il résidait, on
ne lui connaissait ni hôtellerie ni mansarde. On corres-
pondait avec lui poste restante, ou par la voie des petites
affiches. Pour les communications pressantes que vous
aviez à lui faire, il fallait y renoncer ou bien attendre que
le hasard vous l'offrit au détour d'une rue, ou blotti
dans un cabinet de lecture. D'un hiver vous ne l'aviez
vu, au théâtre vous vous sentiez légèrement coudoyer,
vous vous retourniez, c'était notre De Loy, qui venait de
faire cent lieues. De bon matin on vous éveillait en sur-
saut ; il arrivait, ou partait. Il vous avait bien dit : je
pars, et le soir vous le rencontriez : j'arrive, et d'un mois
vous ne saviez plus ce qu'il était devenu. Seulement de
Marseille on vous écrivait : Il m'a semblé voir De Loy.
Huit jours après, de Paris : De Loy est ici ; mais où le
prendre? De Dijon : je quitte De Loy qui nous a lu de
beaux vers ; je l'embarque. Une lettre arrivait de Saint-
Claude pour lui être remise ; et cette lettre, vous couriez
risque de la garder longtemps dans la poche. 11 nous fau-
drait, ici, l'aile d'un papillon pour tracer tout ce que cette
existence avait alors de sautillant, d'irrégulier, de vo-
lage.
Ses ressources accrues ou ses ressources épuisées ne
nous serviront par d'indice sur son itinéraire, sur l'em-
ploi de son temps. Il s'en alla comme il était venu, et
revint comme il était parti : un bâton cueilli dans une
haie au départ, et des souliers percés au retour.
Arbois, Beaume-les-Dames, Gibbeaux, Rochers-de-
Sévigné d'où il date quelques-unes de ses pièces compo-
sées à cette époque abritèrent probablement le poète, et
furent pour lui de délicieuses demeures ; mais incapables
de le fixer. Ses demi-mots, quelques-unes de ses rares
confidences, .quand nous le revîmes, nous apprirent qu'il
avait passé une partie de ce temps en Portugal exposé Ã