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58 vélation, car, si loin que l'on pousse les droits de la raison humaine, toujours est-il qu'elle vient expirer ici, devant un fait, un fait solennel et imposant. Les [hommes chrétiens, les hommes catholiques pouvaient donc être mécontents de M. Bouillier, qui s'est jeté dans un excès tout aussi injuste , tout aussi blâmable que celui de ces esprits craintifs ou ab- solus, pour lesquels la révélation est tout. Oui, elle est tout, dans un certain sens; mais encore, c'est par la raison qu'on arrive à elle ; la raison est le fil conducteur qui nous mène a ce grand jour de la vérité. Les catholiques toutefois ne doivent pas s'affliger de cet hommage à la raison , car le christianisme ne la redoute point. Nous comprenons, pourtant, que l'abus du mot et de la chose les tienne en garde, car, on a tellement abusé de la raison, et nos saturnales révolutionnaires lui ont décerné un culte si hideux, qu'il est bien permis de ne pas prendre part à ces dangereuses apothéoses de la faiblesse et de l'orgueil humains. Ensuite, et c'est un malheur, M. Bouillier s'est pris d'admiration pour des hommes comme Giordano Bruno et Vanini ; il eût été d'un esprit aussi sage et aussi élevé que le sien de laisser dans l'ombre un cerveau fou comme Gior- dano, un misérable comme Vanini. Ce ne sont pas là des martyrs à invoquer, et si la raison n'en avait pas d'autres, en vérité, nous la plaindrions. Les quelques mots qui ont été blâmés dans la profession de foi émise par M. Bouillier, lui viennent de la bouche de M. Cousin, nous a-t-on dit. Si cela était, le fait n'aurait rien d'honorable pour le maître ni pour le disciple. Que M. Cousin, qui flotte à tout vent de doctrine philosophique et politique, soit bien aise d'inoculer ses opinions, chacun le comprend ; mais, que le jeune et brillant professeur ne veuille pas conquérir l'indépendance de son langage, c'est de quoi peuvent s'affliger les cœurs honnêtes.