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qui veut décrire avec la plume, n'est pas plus raisonnable que
le peintre qui voudrait raconter avec le pinceau.
X.
LA MOSELLE.
La Moselle d'Àusone a toutes les qualités, tous les défauts
des poèmes descriptifs. Plusieurs des morceaux qui compo-
sent celte idylle, pris séparément, sont de charmants ta-
bleaux. Nous avons parlé plus haut des jeux des Naïades et
des Faunes. Cette esquisse a d'autant plus de mérite, qu'Au-
sone n'y est point tombé dans sa faute ordinaire. Il n'a point
surchargé de détails ces légères images. Au lieu d'accumuler, il
a choisi; et son choix a été si heureux que je ne crains pas de
rapprocher ce passage d'une strophe charmante du Tasse,
dont le sujet est semblable :
Scherzando sen van per l'acqua chiara
Due donzellette garrule et lascive,
Ch'or si spruzzauo il volto, or fanno a gara
Chi prima a un segno destinato arrive ;
Si tuffano allora : è'1 capo è' 1 dorso
Scoprono alfîn dopo il celato corso (i).
Quelle que soit la grâce de cette peinture, les jeux des Naïades
d'Ausone ont quelque chose de plus piquant :
Tune insultantes sua per fréta ludere nymphas,
Et satyros mersare vadis : rudibusque nalandi
Per médias exire manus, dum Iubrica falsi
Membra petuut, liquidosque fovent pro corpore fluctus (2).
(1) « S'en vont jouant par l'onde claire deux fillettes au doux babil, à la
folâtre allure, qui, tantôt se jettent de l'eau au visage, tantôt font un défi
à qui arrivera la première à un but marqué. Elles plongent alors, et, après
avoir caché leur course, elles découvrent enfin leur tête et leurs épaules. »
(2) « Alors, dit-on, les nymphes bondissent, en se jouant dans leur