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44 lait le poète Théon. Il apportait d'excellentes oranges et de fort mauvais vers (1). Arrivé à Condat, il trouva une douce voiture attelée de mulets , qui l'eurent bientôt conduit à Lucaniacus. C'était vraiment une retraite charmante que Lucaniacus, moins encore par les agréments de la propriété, que par la délicate hospitalité du propriétaire. Là vous pouviez lire, chasser, pêcher, faire ce que vous vouliez, et surtout ne rien faire (2). Yous aviez à voire service une bibliothèque fort bien composée, tous les ouvrages remarquables des poètes, des grammairiens, des rhéteurs, les huit livres de Thucydide, les neufs livres d'Hérodote, enfin tout ce que vous vouliez, et plus encore si vous vouliez(3). L'heure venue , on se mettait à table. Le repas n'était pas recherché: ce n'était point un festin d'Alcinoiis(4), mais on n'y ménageait ni les excellents vins de Bordeaux, ni les huitres vertes qu'on engraissait avec tant de soins dans les parcs (5). Et puis les charmes de la causerie faisaient bientôt oublier ceux du dîner. Souvent, inspirés par un Dieu plus puissant qu'Apollon, les convives improvisaient des vers ; et plus ces acrobates poétiques franchissaient de difficultés dans leurs compositions^ plus ils recevaient d'éloges. Axius Paulus lisait son Delirus, qui, dans un sujet léger, renfermait une immense travail (6). Paulin communiquait des fragments de l'histoire de Suétone qu'il avait mise en vers(7). Quelque- fois, quand on l'en priait bien, Ausooe se levait, demandait (1) Ep.8. : Aurea mala... Carminavero raala. Aurea mala, Théon, sed plumbea carmina mittis. (2) Ep. 12. (3) Ep. 17. (4) Ep. 13. (5) Ep. 9. (6) Ep. 14. (7) Ep.19.