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talents qu'elle prodigue à d'autres. L'absence des grands poètes
a donc des causes indépendantes de l'organisation des indivi-
dus. Ce sont ces causes que nous allons lâcher d'indiquer.
Qu'est-ce qu'un poète ? Un homme qui conçoit le beau,
c'est à -dire l'Etre; l'Être aussi complet qu'il peut apparaître
sous des conditions données et sous des formes finies ; et qui
le reproduit et le rend sensible à ses semblables par la parole.
Or, à l'époque d'Ausone, on concevait très peu le beau, non
que le sentiment en fût éteint dans le cœur de l'homme.
L'homme est le même dans tous les siècles -, il n'a jamais ni
un membre de plus ni un sentiment de moins. Mais ce senti-
ment s'était assoupi faute d'exercice ; il trouvait rarement de
quoi se développer dans toute son énergie-, à plus forte rai-
son était-il impuissant à créer.
Il est quatre ordres de faits qui font naître ordinairement
dans l'esprit l'idée du beau, et qui, par conséquent, fournissent
des inspirations aux poètes :
1° Dieu, la cause infinie;
2° La nature, son éternel effet ;
3° L'homme, cause bornée;
4° Les actions et les institutions humaines , effet mobile
comme sa cause.
Nous allons voir comment ces sources étaient taries pour la
plupart à l'époque qui nous occupe.
V.
SENTIMENT RELIGIEUX DEVENU STËBILE.
Les idées religieuses ne pouvaient avoir alors aucune in-
fluence sur la poésie. L'Olympe était depuis longtemps désert;
même sous le règne de "Virgile et d'Horace, Jupiter avait grand
besoin d'être citoyen pour continuer à être dieu, et d'appuyer
son chancelant autel sur le roc inébranlable du Capitole. Mais,