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fait par lui-même assez, indifférent. Mais qu'une belle intelli-
gence servie par une organisation des plus heureuses, qu'un
esprit facile, brillant, enrichi de toute espèce de connais-
sances, n'ait été, n'ait pu être qu'un poète médiocre, c'est un
fait grave, dont il importe d'approfondir les causes. Et si la
faiblesse du poète nous apparaît comme une conséquence
nécessaire de la société où il a vécu, de l'atmosphère qu'il a
respiree, alors ces observations littéraires seront en même
temps une haute leçon de morale ; et l'étude d'un écrivain
obscur pourra être aussi féconde que celle des plus grands
auteurs.
    On le voit, en faisant de pieuses libations sur la tombe
poétique d'Ausone, nous n'y répandrons pas seulement le lait
 et le miel, nous nous permettrons d'y verser aussi quelques
 gouttes d'absinthe. Si l'on doit des égards aux vivants, on ne
doit que la vérité aux morts. De nos jours, la critique littéraire,
comme autrefois la religion, n'a pour autels que des tom-
 beaux.

                                I.

               FAMILLE D'AUSONE.      SON ENFANCE.



   Il y avait à Burdigala, au commencement du IVe siècle, un
médecin, nommé Julius Ausonius , né à Vasates (Bazas). Il
était venu s'établir dans la métropole de la 2e Aquitaine, s'y
était marié, et y exerçait sa profession d'une manière distin-
guée. C'était un de ces hommes essentiellement pacifiques ;
bienvenus de tout le monde, parce qu'ils ne coudoient aucun
intérêt, aucun amour-propre; un de ces hommes que personne
ne heurte, parce que personne ne les rencontre sur son che-
min. Tout entier à sa spécialité, il jouissait d'une réputation
qu'on ne contestait pas , parce que c'était une réputation à
part : il n'avait pas plus d'envieux que de prétentions ; il ne
se piquait pas même du talent, assez commun alors, de bien