page suivante »
20 laquelle les habitants des grandes villes affectent quelquefois de par- ler des provinces ; car rien ne devait être moins étonnant que le fait local révélé à Pline par Geminius. Après ce que nous avons vu de Rome et ce que nous connaissons d'ailleurs sur l'état de la littérature à cette époque, il serait bien étonnant, au contraire, que Lugdunum eût été privé d'une branche de commerce dont la civilisation avait fait alors une nécessité. En sa double qualité d'homme de lettres et d'homme d'état, Pline devait mieux connaître ce qu'on appellerait aujourd'hui !a statistique intellectuelle et commerciale de l'Empire. Sous ce rapport, en effet, il avait bien des données perdues pour nous ; et cependant l'antiquité, si mutilée aujourd'hui dans son his- toire et sa littérature comme dans ses monuments, nous en a laissé quelques unes qui sont trop essentielles à mon sujet pour que je puisse les omettre ici. - Il est possible que les provinces publiassent peu de livres, parce que déjà , à cette époque, la capitale absorbait tout, ainsi qu'il arrive dans les états qui sont en voie de décadence. Mais les productions de la littérature de Rome se répandaient dans les diverses contrées de l'Empire, de même que ses usages , son luxe et sa corruption ; car telle est également la marche invariable des choses. Aussi savons- nous de ses auteurs que leurs ouvrages se faisaient bientôt connaître au loin. Horace dit d'un bon livre : Hic et mare transit (1). Ailleurs, nous l'avons déjà vu, il fait aller son livre en Afrique et en Espagne (2). Martial nous apprend que ses écrits parvenaient dans l'Espagne tarraconnaise, sa patrie (3), chez les Gètes et chez les Bretons (4). Nous avons même sur ce point quelques faits plus intéressants, en ce qu'ils se rapportent à notre Gaule. La connaissance des deux premiers est due à Martial, cité déjà tant de fois dans cet article, et (1) De artepoet., v. 345. (2) Epist., I, 20, v. 13. (3) Épigr., X, 104, v. 4. (4) Epigr., XI, 3, v. 3.