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446 nombre peuvent, il est vrai, dans certaines circonstances, affaiblir ou diminuer notre confiance dans la vérité de telle ou telle opinion; s'ils lui sont favorables, ils peuvent servir à nous y confirmer; s'ils lui sont contraires, ils peuvent nous engager à la soumettre à un nouvel examen plus approfondi; mais, hors du domaine des faits susceptibles d'être directe- ment observés, ils ne sauraient nous donner la vérité, m'in- firmer en aucune sorte le témoignage de la raison. A ceux qui entreprennent de réfuter le témoignage de la raison par celui de l'autorité et du grand nombre, nous ré- pondrons , comme dans le Gorgias, Socrate au 'sophiste Calliclès qui opposait l'opinion des Athéniens à son irrésis- tibles dialectique. « Je sais que, dans le cas présent, presque tous les Athé- niens et les étrangers seront de ton avis et tu peux produire en ta faveur autant de témoins qu'il te plaira. Mais je suis, quoique seul d'un autre avis, car, tu ne dis rien qui m'oblige d'en changer et tu ne fais que produire contre moi une foule de faux témoins pour me déposséder de mon bien qui est la vérité. Pour moi, à moins que je ne te réduise à ren- dre toi-même témoignage à la vérité de ce que je dis, je n'ai à mon sens rien gagné contre toi, ni toi, je pense, contre moi, à moins que je ne dépose, quoique seul en ta faveur, et que tu ne comptes absolument pour rien le témoi- gnage des autres. » C'est-à -dire, Messieurs, qu'entre des êtres raisonnables, s'adresser à la raison est le seul moyen légitime de convain- cre, c'est-à -dire, que l'on ne peut rien opposer à un argu- ment, absolument rien, sinon, un argument meilleur. Celui qui renonce à ce mode de discussion et accepte ses opinions sans les examiner, et sur la foi d'autrui, renonce à l'usage de sa propre raison et, en même temps, abdique au- tant qu'il est en lui cette qualité d'être raisonnable qui le