page suivante »
384 Ainsi, le grand salon de l'établissement où l'on danse, le jeudi et le dimanche, depuis sept jusqu'à dix irrévocablement, ne s'ouvre que pour ceux qui, moyennant dix francs, ont acheté l'honneur de voir figurer sur la pancarle leur nom à côté des plus hautes notabilités. Celles-ci souscrivent, mais ne vien- nent pas se mêler à la foule. Oh ! le Irisle rapprochement que celui que l'on fait le soir, en se rendant au grand salon. Car il faut traverser l'Établisse- ment au moment même où les pauvres sont admis à prendre gratuitement des douches et des bains. On se rencontre alors en habits de bal avec ces malheureux qui regagnent à pied leur demeure, drapés d'une couverture de laine comme d'un suaire. On dirait des ombres erranles qui viennent vous r e - procher vos habits de fêle et votre folle gaieté. On souffre au rez-de chaussée, on danse au premier. C'est là comme dans le monde. La vie, au MonUDore, est réglée sur la montre du docteur Bertrand. Chaque heure a son emploi. De sept à huit, chaque buveur se r e n d à la source de l'onde gazeuse et réparatrice. Trois verrées, prises à une demi-heure de distance, disposent l'estomac à faire honneur au déjeûner. Dix heures sonnent, et tous les hôlels appellent leurs commensaux au son de la cloche. Les trois principaux possèdent un salon d'altenle où l'on se réunit; on y descend en toilette du matin, on fait con- naissance, on cause, on inédit des uns el des autres, on arrange vingt parties, on en dérange autant. On se montre les célébri- tés artistiques et littéraires : ici, c'est une danseuse, Nina en cheveux blancs ; là , un poêle de renom ; de ce côlé, un fameux compositeur; de celui-là , un illustre maréchal. Les Eaux ont toujours des grands hommes, pour l'ébahissement des curieux. S'il n'y en avait point, on en improviserait, je crois. Heureux enfanls ! comme ils s'amusent, ceux-là ! ils dansent, ils sautent au son du piano^ dont une de leurs sœurs s'est co- quettement emparée, au grand désappointement de plus d'une de ces dames, dont la blanche main voudrait luller aussi avec