Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
[ Revenir aux résultats de la recherche ]
page suivante »
                                 240
 une abondante et noire chevelure. Les yeux, qui s'enfoncent
 sous un cil épais, sont de ces yeux indiens, puissants et ve-
 loutés, faits pour exprimer l'amour ou la haine, comme le dit
 A. Dumas. La figure, quoique grave et austère, sait prendre
 néanmoins une grande mobilité, et ne peut être parfaitement
 comprise qu'après avoir été vue au jour d'impressions diverses.
 M. Reboul cause peu et bien ; il fume beaucoup ; deux ou trois
 cigarettes y passent en peu de temps, et plus d'une fois les
 soucis du jour s'envolent avec les ondoiements de la fumée,
 qui appelle la rêverie et les songes menteurs; il est parfois
 distrait ; sa conversation s'anime souvent d'une pointe d'ai-
 mable gaîté et d'inofiensive plaisanterie; nous avons entendu
 de sa bouche quelques délicieuses malices sur les catégories
 de poètes, mais il n'y avait en cela ni personnalité, ni jeu
 d'amour-propre; M. Reboul est un homme foncièrement juste
 et mesuré.
   Nous avons suivi le poète dans les diverses évolutions de
 son talent et dans les principales phases de sa vie. Nous l'avons
vu se passionner tout jeune pour l'idée royaliste, qui est à ses
yeux encore une idée de stabilité et d'ordre. Chrétien non
moins sincère et non moins fidèle, M. Reboul se tient forte-
ment au catholicisme comme à une foi divine, comme à une re-
ligion qui porte en elle les destinées du monde.
   C'est une noble vie que celle du poète fidèle à sa double foi,
la foi religieuse et politique ! C'est aussi pour tant d'existences
tristement oisives, et nécessiteuses pourtant, une sévère flétris-
sure, un bel enseignement que ces jours laborieux, où le tra-
vail de l'esprit succède au travail du corps ! M. Reboul, et
l'on s'altriste d'y penser, M. Reboul a bien longtemps fatigué
pour n'arriver qu'à une modeste aisance, res angusta domi; il
n'a pas eu le petit mérite de faire une grande fortune, mais
la dorée médiocrité du poète latin suffit aux vœux du poète
Nîmois, qui peut dire du moins avec un légitime orgueil:
          Je marche le front haut, comme l'on a toujours
               Marché dans ma pauvre famille.
                                           F . - Z . COLLOMBET.