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pareil? Apaisez vos querelles sanglantes, nettoyez vos turpi-
tudes, organisez-vous enfin, puis l'on verra si votre exem-
ple est bon à suivre. Jusque là, laissez-nous en repos ; l'A-
frique se passera bien de vous. —
   Le jeune homme ne répondait plus. Subjugué par la pa-
role entraînante de Méhémet, et saisi pour son interlocu-
teur d'un respect aussi profond qu'involontaire, il admirait
cette fière intelligence mesurer ainsi les vaniteuses préten-
tions des sociétés modernes, et cette vertu austère dont le
regard pénétrait résolument sous l'écorce de nos banalités
morales. Ce n'est pas qu'en toute chose il approuvâtle bon
vieillard; mais plusieurs côtés de la vie venaient de lui être
présentés sous des faces nouvelles. Un vif intérêt succédait
à son indifférence pour des questions qui jusqu'alors lui
avaient paru sans valeur. Ses anciennes convictions, quoi
qu'il fit, se déchiraient en lambeaux. Grandi avec elles, il au-
rait voulu les conserver intactes, et ne pouvait cependant
résister à la force de quelques vérités inattendues. Que celte
critique acérée vint d'un arabe, c'était ce qui l'étonnaitle
plus. Sentant la nécessité d'arracher son esprit à un tel dé-
sordre et ne pouvant, d'ailleurs, prolonger l'entretien plus
long-temps, il se leva, pressa fortement la main contre son
front, comme un homme dont le cerveau est fatigué, et s'a-
dressant à Méhémet: mon père, dit-il, je dois prendre congé
de toi ; mais j'ai besoin de ta sagesse. Permets-moi de re-
venir ici pour te voir et t'écouler encore.
   Ami, répondit le patriarche, il n'y a de sagesse qu'en Dieu.
Difficilement pourrons-nous nous revoir, car demain je me di-
rigerai vers le désert. Va, hâte toi de rentrer dans l'enceinte
de la ville soumise. Surtout, évite le creux des ravins, et mé-
fie toi des buissons épais. —
   Ces paroles étaient à peine prononcées que le galop de
plusieurs chevaux se fit entendre. En un clin d'œil dix à
douze cavaliers eurent environné les trois personnages de
cette scène. Ils se jetèrent en proférant les plus terribles