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96 de la langue française de Dubelley, écrit noblement et sagement conçu fut le manifeste de cette société litté- raire de la Pléiade qui abusa si étrangement du droit d'innovation. Véritable manufacture de mots et de vo- cables, la Pléiade et son coryphée Ronsard habillèrent si bien la langue française de lambeaux grecs et latins qu'ils en firent quelque chose d'informe, da méconnais- sable, de monstrueux. Est-ce à dire pour cela qu'ils aient perdu la langue ? Ainsi surchargée et exubérante, la lan- gue parut devant le tribunal du bon sens public, cet instinct infaillible; elle eut bientôt rejette les éléments in- digestes, conserva les autres et fit légitimer les emprunts par l'usage et à la fin du X \ I e siècle elle avait une gram- maire, un système de régies et de convenances. Si maintenant nous envisageons les résultats de la réaction antique, non plus sous le point de vue de la langue, mais sous le point de vue littéraire proprement dit, nous n'aurons pas à regretter non plus les modifica- tions introduites par les littératures anciennes. Voyons, en effet, ce que la littérature nationale a reçu du dehors, voyons ce qu'elle a conservé. Nierons-nous que nous ne devions aux chefs-d'œuvre antiques celte belle et noble tragédie française, qui s'épurant et s'élevant successivement entre les mains de Jodelle, de Garnier, de Mairet, a été portée par Cor- neille et Racine jusqu'à la parfection de l'art ! Nous S a - vons plus, il est vrai, les mystères, les sottises et les farces des Confrères de la Passion. Mais, en vérité, per- sonne ne s'aviserait de dire que nous ayons perdu au change. Aux sermons grotesques et presqu'orduriers des prédicateurs du XV e siècle, à la loquacité matoise et vul- gaire du vieux barreau ont succédé les chefs d'œuvre de