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de son égoïsme, il sent enfin ce noble instinct de la na-
ture humaine, le besoin du dévoûment, du sacrifice, il s'é-
lance avec avidité vers la régénération morale, vers la pé-
nitence, vers le martyre, heureux d'échapper à l'anéantis-
sement par la douleur. Mais ce noble penchant n'existe pas
seul dans l'homme; l'habitude, l'amour du bien-être, l'in-
dolence, l'égoïsme insoucieux, le froid bon sens, toute la
partie prosaïque de l'ame, ne cède pas une victoire incon-
testée : il y a lutte, combat acharné dans l'individu; cette
opposition éclatera dans la littérature : elle aura son Pau-
lin et son Ausone, son Symmaque et son Ambroise.
   D'autres idées, d'autres sentiments encore agitaient
cette société : la terreur qui s'élançait avec les barbares
des rives du Rhin et du Danube, le pressentiment d'une
grande catastrophe, la triste conscience de la décrépitude
d'un peuple, l'illusion de quelques-uns, le découragement
des autres, la décroissance de tous, un despotisme faible et
cruel, une lâche et perfide servitude, tels seraient peut-être
les principaux traits qu'offriraient à l'historien cette litté-
rature mourante. Il ne m'appartient pas de dire d'une ma-
nière précise quels résultats il aurait trouvés; mais du moins
il aurait trouvé quelques résultats; il aurait fait l'histoire
des idées plutôt que celle des hommes.
   Or, je regrette que, dans l'ouvrage de M. Collombet, la
multitude des détails, la fidélité des biographies, en un
mot les scrupules érudits du savant nuisent un peu à cette
vue philosophique de l'ensemble : il y a confusion à force
de richesse. Ce livre ne m'apparaît pas comme la végéta-
tion naturelle d'une idée qui aille se développant, se rami-
fiant, depuis le tronc jusqu'à l'extrémité des branches : on
sent qu'il s'est formé par juxta-position, par une sorte
d'agrégation : c'est un minéral, mais un minéral précieux.