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275 de table. Il faut vous dire que le duc , avare et besoigneux, avait fait ce qu'on pratiquait autrefois à Constanlinople , di- minué les poids et les mesures. Or, banquier, marchand, facteur privilégié du duché, il était sûr de faire de bonnes affaires , et il ne s'était pas trompé. Donc le tribunal est assemblé : tout le village pour assis- tant ; au milieu, un grand baquet d'eau, et à côté les pièces du délits les poids limés par sa grâce. Ronrad les pousse et les laisse tomber : ils vont au fond de l'eau. La foule bat des mains et éclate de rire : Dieu a prononcé la sentence : le duc est condamné. Huit jours après , on traduisait, dans un grand nombre de villages, ducs , électeurs, barons, abbés, au tri- bunal de Dieu, et partout leur symbole, leur morceau de fer jeté dans l'eau, était trouvé trop léger, et l'on criait : hourra ! hourra ! Les confréries du pauvre Ronrad se propa- geaient, mais ses associés n'étaient pas tous d'humeur aussi gaie que le paysan bavarois. C'était le moment même où Luther apparaissait dans la chaire de Wittenberg, et venait pour délivrer l'Allemagne du joug de la papauté. Les disciples de Ronrad se ralliaient autour de lui, parce qu'il faisait la guerre aux nobles, et qu'il promettait aux pauvres les miettes qui tombaient de la table des mauvais riches. Ronrad riait toujours; on lui coupa la tête pour le faire taire ; mais le rire ne mourut pas : on riait enRarinthie, en Bavière, en Wurtem- berg, dans la Saxe électorale surtout, cette contrée d'Alle- magne où les fondations de Charlemagne étaient si opulentes. Luther continuait de poursuivre de sa colère les prélats qui s'engraissaient aux dépens du peuple : il les nommait tout haut en chaire des voleurs et des fripons. Or, ces prélats, c'étaient souvent les maîtres temporels des peuples, qui avaient à leur payer des redevances, des impôts, des droits de toute espèce, à eux, enfants de p . . . . . . suivant l'expres- sion du docteur, larves d'enfer, et secrétaires ici-bas de Sa- tan. Menzel reconnaît positivement que la parole de Luther n'était pas seulement une parole religieuse, mais une parole