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253 Ainsi, notre église de Saint-Jean, elle a reçu bien des gé- nérations, abrité bien des âmes froissées, vu bien des solen- nités, mené bien des deuils, pleuré pour bien des funérailles. Des têtes princières se sont inclinées sous ces voûtes su- blimes, des misérables y sont venus rugir l'athéisme. Après avoir passé par les fureurs de 1562, il lui a fallu subir encore les orgies de 93 ; alors, ses portes ont été fermées ; alors les chemins ont pleuré, parceque personne ne venait à ses fêtes; alors, ses pieuses statues ont roulé à terre sous le marteau du vandalisme français. Pourtant, la majestueuse basilique reste debout, et voit ses générations s'écouler une à une, courir dans l'éternité, comme les flots qui passent près d'elle se succèdent et s'en vont au sein des mers. Puisse- t-elle sub- sister longtemps, car aujourd'hui nous ne savons plus rien édifier -, les monuments que nous élevons sont mesquins et guindés comme nous ; il nous faut les jouissances du quart- d'heure; nous ne pouvons rien attendre; nous ne voudrions point asseoir les fondements d'un édifice dont on poserait la dernière pierre au bout d'un siècle. Que laisserons-nous à nos descendants? rien que des rêves creux et des théories politiques, ou des prisons. Véritables Arabes d'une civili- sation qui tue toute grande pensée, nous ne songeons qu'à dresser notre tente pour une heure , et nous avons hâte de la ployer, de crainte qu'elle n'abrite ceux qui nous suivent au désert (1). Il nous reste à dire un mot sur la vie de l'auteur. M. Jacques (Pierre-Simon) naquit à Lyon, en 1789, et ne put faire alors que des études troublées par le bruit des tempêtes politiques. Il fut le disciple de l'abbé Chouvy, ancien professeur d'his- toire ecclésiastique à notre Faculté de Théologie, el celui-ci appelait M. Jacques son fidèle Achate. (1) Courier, 22 avril 1837.