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20 lieu dans lequel on vit, et puisque l'esprit de critique nous pousse de son souffle acre et turbulent, laissons-nous pousser. Je crois qu'il ne faut pas absolument être peintre, professeur d'esthétique, académi- cien ou descendant d'académicien pour parler'de peinture ; les pre- miers sont ordinairement remplis de systèmes et de parti-pris ; les seconds, à propos de tout, se perdent dans les ténèbres de la méta- physique ; quant aux derniers, la suffisance et la pédanterie les étouffent. Je vous dirai principalement les impressions que j'aurai éprouvées. C'est une manière de juger comme une autre. Si mes sympathies ne sont pas celles de tout le monde, peu m'importe! pourvu que vous les partagiez. Je commencerai par vous parler des tableaux d'histoire ; il y en a peu, et ils n'ont rien de bien remarquable. Ce genre se perd de jour en jour; il est sans doute trop sévère pour nos goûts frivoles. Je suis convaincu, du reste, que bien des artistes pensent, s'ils ne le disent, que ces œuvres-là sont d'un débit peu facile. Hélas ! vous avez sou- vent déploré, comme moi, le mercantilisme artistique de notre siècle. Quand est-ce qu'un nouveau prophète se lèvera pour chasser les marchands du temple? Une des choses les plus capitales est, sans contredit, la procession de la Gargouille; que dire là dessus? Il n'est pas un feuilletoniste de Paris, grand ou petit, qui ne l'ait tourné et retourné en tous les sens; cependant laissez-moi admirer cette grande entente des effets de masse et cette largeur de pinceau. Archevêques, prêtres, chanoines, condamné, jeunes filles et populaire, comme tout cela marche, se déroule et s'étend; qu'importe, dans cet effet de foule, si les détails pèchent. Du reste, le monument ferait à lui seul un bon tableau. Les maisons sont aussi bien entendues. Que ces bonnes gens qui se pres- sent si avidement dans le fond, pour voir défiler la procession, sont heureux ! Mais il faut que je les quitte pour passer à autre chose : car le nombre des tableaux exposés m'épouvante, 318...! et je me suis engagé à vous en rendre compte ! Il y a vraiment du mérite et de l'avenir dans Laurent de Médicis chez Savanarole. L'austère prieur des dominicains arrêtant Laurent de Médicis au moment où celui-ci allait s'emparer du pouvoir souve-