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une si délicieuse nuit, et Mouton-Duvernet une si terrible journée ,
et l'on montera à Notre-Dame de Fourvières, vierge de grande re-'
nommée et miraculeuse comme une madone romaine. De là, on
verra s'étendre au premier plan un amas de maisons, que rend plus
grises et plus sales encore le reflet argenté du fleuve et de la ri-
vière qui les entourent ; au second plan, des plaines et des paysages,
que quelques montagnes commencent à accidenter ; enfin, au troi -
sième plan, l'immense chaîne des Alpes, dont les pics neigeux se
confondent avec les nuages.
   A quelques pas de l'église, on peut entrer dans la maison de l'abbé
 Caille, de la terrasse de laquelle le pape Pie VII, pendant son voyage
forcé en France, a donné sa bénédiction à la ville, humblement
couchée à ses pieds ; car, outre le souvenir religieux que rappelle
cette terrasse, c'est de sa balustrade qu'on découvrira Lyon dans
sa plus grande étendue.
    Quoique la ville que l'on aura alors sous les yeux soit, comme
nous l'avons dit, la patrie de Philibertde l'Orme, de Coustou, de Coise-
vox, de Louise Labé, de Dugas-Montbel et Ballanche ; quoiqu'elle ait
une Académie, fille si bien élevée, disait Voltaire, qu'elle n'a jamais
fait parler d'elle, qu'elle se glorifie d'une Ecole de Peinture qui nous
a donné Dubost et Bonnefond, son génie est tout mercantile. Point
de jonction de quatorze grandes routes et de deux fleuves, qui ap-
portent les commandes et emportent les produits, la divinité de la ville
est le commerce , non point ce commerce des ports de mer, rehaussé
des dangers d'une navigation lointaine, où le négociant est capitaine,
et les ouvriers matelots ; non point le commerce poétique de Tyr,
de Venise et de Marseille , à qui le soleil d'Orient fait une auréole ,
les étoiles du midi une couronne, les brouillards d'Occident un voile,
et les glaces du Nord une ceinture ; mais le commerce stationnaire
et hâve, qui s'assied derrière un comptoir ou s'accoude sur un mé-
tier ; qui énerve par le défaut d'air, et abrutit par l'absence d'hori-
zon ; qui enlève à la journée seize heures de travail, et ne donne
en échange à la faim que la moitié du pain qu'elle demande. Oui ,
certes , Lyon est une ville animée et vivante , mais animée et vivante
comme une mécanique, et le tic-tac des métiers est le battement de
son cœur.