page suivante »
« J'entendis Précy dire dans un coin : On peut tirer parti de ces gens-là . Négociez, Messieurs, pour m o i , je ne puis me mêler de celle affaire ; je suis dans une position parti- culière Les fusils furent mis en faisceaux, je m'étendis sur le gazon , la tête appuyée sur mon sac ; lout-à -coup un coup de tromblon pari de la main d'un aide-de-camp de Précy, nommé Recy. Un capitaine de hussards tombe; Recy est mis en pièces , d'autres Lyonnais sont sabrés ; il n'était plus temps de reprendre les armes ; nous nous dispersâmes dans les broussailles... Les hussards et les dragons, dont le nom- bre avait a u g m e n t é , s'étaient gorgés de b u t i n , et c'est ce pillage qui avait causé la bagarre dont nous avions tous failli êlre les victimes. Il avait été convenu qu'on nous laisserait notre a r g e n t , et cette condition, insolite en pareil cas, ayant été violée à l'égard de Recy, il s'était vengé d'un coup de trom- blon... Un paysan s'empara de mon s a c , un autre de mon chapeau ; je me trouvai ensuite entre les mains de deux au- tres qui me fouillèrent dans les p o c h e s , e t , n'y trouvant r i e n , m'emportèrent mon habit... J'étais sans portefeuille, sans ceinture, sans s a c , sans h a b i t , sans chapeau; il me restait des demi-bottes neuves qui attirèrent les regards d'un hussard; les siennes étaient u s é e s , nous changeâmes. » Bat- t u s , dépouillés, conduits à Lyon dans l'état le plus déplo- rable et au milieu des plus grands dangers, les vaincus furent incarcérés à Saint-Joseph. « Nous passions notre temps assez agréablement à Saint- Joseph : de jolies filles venaient nous y visiter. Nous avions à foison du Bordeaux et des chapons de Bresse. Les guiche- tiers , largement payés, étaient fort coulants. On chantait, on déclamait, on faisait l'amour. Un certain P... faisait reten- tir les barreaux de la prison des vers de Ducis. Il fut con- damné; nous apprîmes sa m o r t , et nous n'y pensâmes plus. Nous apprenions avec la même indifférence le sort de nos meilleurs amis ; chacun attendait son tour... «Dans les premiers jours de ma prison, je vis un person-