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128 Je suis Bon-temps, criait-il, et je viens m'établir de nou- veau dans la bonne ville de Lyon. Et ce disant, il gettoit incessamment tartelettes, cache-museaux, dragées, confitures sèches et mermelades sus les auditeurs et spectateurs. — Ah ! le voilà ! c'est Morin, le propriétaire de la plus belle vigne du pays, que les larrons de la Rubayne ont dévalisé. Pauvre Morin ! ils ont défoncé ses tonneaux et répandu son vin. Mais voici de quoi s'abreuver ici tout à l'aise, et d'un geste il indiquait une fonteine perenne de bon et ex- cellent vin au commandement de ceux qui vouloyent boire. — Venez tous ici, ie veux reiouir et réconforter le peuple, venez boire à la détestation de la guerre et à la louange de la paix. Et la foule se précipitait vers lui et recevait avec le même fou rire son vin, ses marmelades et ses quolibets. —Virtute duce, comitante fortuna ; c'est Antonius Griphius, le célèbre imprimeur de la rue Thomassin, qui a fait graver ces quatre mots savants sur sa porte. Découvre ton chef pour recevoir cette dragée (une énorme pâté), riche Griphius, qui laisses dans la misère et à deux pas de ta maison le vertueux Imbert Gimbre, et bornes la charité à faire copier des manuscrits à ses deux belles damoiselles qui en perdront les yeux. — Salut à Louise Labé qui a les bonnes grâces du roi pour l'avoir si galamment reçu à la Juiverie, salut à l'émule de Pernette du Guillet, salut à ces deux ornements de tout le sexe féminin de notre temps ! Et les deux amies, se donnant le bras, passaient, en riant, au milieu des saluts et des bravos de la foule. — Ça, mes bons camarades, artisans, marchands et autres, vous n'irez plus guerroyer en Savoye, en Italie ou en Provence, ne songeons plus qu'à boire et à nous ébaudir. Vive la joie, vive le vin, vive la compagnie des Drapiers ! — Silence! j'aperçois Imbert Gimbre et ses nobles damoi-