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   Notre histoire industrielle est donc un livre à faire. Que!
celui qui l'écrira nous retrace le passé avec vérité, alors que
Lyon jetait sur toutes les places de l'Europe ses brillantes et
magnifiques étoffes, et se paraît du titre pompeux de reine,
de ville sans rivale.
   Qu'il nous dise la réaction qui s'opéra dans notre indus-
trie , lorsqu'après avoir couvert de ses brocards bien des
épaules royales et patriciennes, elle fut obligée d'obéir à la
puissance démocratique de la révolution qui préconisait l'éga-
lité aux yeux de la noblesse expirante ; qu'il nous retrace ce
qu'elle fut obligée de faire alors pour subvenir aux besoins
de la consommation populaire, ainsi que l'histoire de cette
célèbre mécanique de Jacquard, qui, en économisant une
multitude de bras et de vie, doubla les moyens de production.
    Qu'il nous entretienne de l'influence qu'exercèrent dans la
fabrique les Mey, les Colomès, les Pernon, les Lassale, les Bis-
sardon, et, de nos jours, les Beauvais et les Depouilly, car ces
hommes-là sont les héros de notre histoire industrielle ,
comme les conquérants sont ceux de notre histoire politique.
 Qu'il apprécie en économiste les résultats de l'édit de Nantes,
 de l'émigration de 92, des guerres de l'Empire, du système
 continental et des causes qui, tout récemment encore, ont
 fait, par deux fois, éclater la guerre civile au milieu de nous.
 Enfin qu'il nous rassure sur le résultat de la crise actuelle ,
 dans laquelle notre industrie est menacée d'être engloutie.
 Qu'il réveille la sollicitude de nos magistrats, de nos princi-
 paux fabricants, aujourd'hui que les ouvriers émigrent pour
 s'arracher à la misère , aujourd'hui que l'étranger nous en-
 lève des bras dont nous sentons tout le prix maintenant que
 nous en éprouvons le besoin.
    Mais pourquoi nous plaindre ? tant de voix se sont déjà,
 mais en vain, si souvent élevées pour sonner l'alarme, que
 nous ne voyons pas la nécessité de grossir le nombre de nos
 inutiles Cassandre.
                                           CHARLES PECQ.