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9 grand'chose, mais j'avais bonté d'occuper une chambre sans rien faire gagner à mon hôtesse. La saison était belle. Un soir, il faisait fort chaud, je me déterminai à pas- ser la nuit dans la place; et déjà je m'étais établi sur un banc y quand un abbé qui passait, me voyant ainsi couché, s'approcha, et me demanda si je n'avais point de gîte. Je lui avouai mon cas, et il en parut touché. II s'assit à côté de moi, et nous causâmes. II parlait agréablement : tout ce qu'il me dit me donna de lui la meilleure opinion du monde. Quand il me vit biea disposé, il me dit qu'il n'était pas logé fort au large, qu'il n'avait qu'une seule chambre , mais qu'assurément il ne me laisserait pas coucher ainsi dans la place ; qu'il était tard pour trouver un gîte , et qu'il m'offrait, pour cette nuit, la moitié de son lit. J'accepte l'offre , espérant déjà faire un ami qui pourrait m'étre utile. NousalIons.il bat le fusil. Sa chambre me parut propre dans sa petitesse ; il m'en fît les honneurs fort poliment. Il tira d'an pot de verre des cerises à l'eau-de-vie; nous en mangeâmes chacun deux, et nous fûmes nous coucher. Cet homme avait les mêmes goûts que mon Juif de l'hospice, mais il ne les manifestait pas si brutalement, soit q u e , sachant que je pouvais être entendu, il craignait de me forcer à me défendre ; soit qu'eu effet il fût moins confirmé dans ses projets, il n'osait m'en proposer ouvertement l'exé- cution, et cherchait à m'émouvoir sans m'inquiéter. Plus instruit que la pre- mière fois, je compris bientôt son dessein, et j'en frémis. Ne sachant ni dans quelle maison, ni entre les mains de qui j'étais, je craignis, en faisant du bruit, de le payer de ma vie. Je feignis d'ignorer ce qu'il me voulait; mais, paraissant très-importuné de ses caresses, et très-décidé à n'en pas endurer le progrès, je fis si bien qu'il fut obligé de se contenir. Alors je lui parlai avec toute la douceur et toute la fermeté dont j'étais capable ; et, sans pa raîlre rien soupçonner, je m'excusai de l'inquiétude que je lui avais montrée sur mon ancienne aventure, que j'affectai de lui conlor en termes si pleins de dégoût et d'horreur, que je lui fis, je crois, mal au cœur, à lui, et qu'il renonça tout-à -fait à son fatal dessein. Nous passâmes tranquillement le reste de la nuit : il me dit même beaucoup de choses très-bonnes , très-sensées, et ce n'était assurément pas un homme sans mérite , quoique ce fût un grand vilain." Le matin , monsieur l'abbé, qui ne voulait pas avoir l'air mécontent, parla de déjeuner, et pria une des filles de son hôtesse , qui était jolie, d'en faire apporter. Elle lui dit qu'elle n'avait pas le temps. Il s'adressa à sa sœur, qui ne daigna pas lui répondre. Nous attendions toujours; point de déjeûner. Enfin nous passâmes dans la chambre de ces demoiselles. Elles reçurent mon-