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grand'chose, mais j'avais bonté d'occuper une chambre sans rien faire gagner
 à mon hôtesse.
   La saison était belle. Un soir, il faisait fort chaud, je me déterminai à pas-
ser la nuit dans la place; et déjà je m'étais établi sur un banc y quand un
abbé qui passait, me voyant ainsi couché, s'approcha, et me demanda si je
n'avais point de gîte. Je lui avouai mon cas, et il en parut touché. II s'assit
à côté de moi, et nous causâmes. II parlait agréablement : tout ce qu'il me
dit me donna de lui la meilleure opinion du monde. Quand il me vit biea
disposé, il me dit qu'il n'était pas logé fort au large, qu'il n'avait qu'une
seule chambre , mais qu'assurément il ne me laisserait pas coucher ainsi dans
la place ; qu'il était tard pour trouver un gîte , et qu'il m'offrait, pour cette
nuit, la moitié de son lit. J'accepte l'offre , espérant déjà faire un ami qui
pourrait m'étre utile. NousalIons.il bat le fusil. Sa chambre me parut propre
dans sa petitesse ; il m'en fît les honneurs fort poliment. Il tira d'an pot de
verre des cerises à l'eau-de-vie; nous en mangeâmes chacun deux, et nous
fûmes nous coucher.
    Cet homme avait les mêmes goûts que mon Juif de l'hospice, mais il ne
les manifestait pas si brutalement, soit q u e , sachant que je pouvais être
entendu, il craignait de me forcer à me défendre ; soit qu'eu effet il fût
moins confirmé dans ses projets, il n'osait m'en proposer ouvertement l'exé-
cution, et cherchait à m'émouvoir sans m'inquiéter. Plus instruit que la pre-
mière fois, je compris bientôt son dessein, et j'en frémis. Ne sachant ni dans
quelle maison, ni entre les mains de qui j'étais, je craignis, en faisant du
bruit, de le payer de ma vie. Je feignis d'ignorer ce qu'il me voulait; mais,
paraissant très-importuné de ses caresses, et très-décidé à n'en pas endurer
le progrès, je fis si bien qu'il fut obligé de se contenir. Alors je lui parlai
avec toute la douceur et toute la fermeté dont j'étais capable ; et, sans pa
raîlre rien soupçonner, je m'excusai de l'inquiétude que je lui avais montrée
sur mon ancienne aventure, que j'affectai de lui conlor en termes si pleins
de dégoût et d'horreur, que je lui fis, je crois, mal au cœur, à lui, et qu'il
renonça tout-à-fait à son fatal dessein. Nous passâmes tranquillement le reste
de la nuit : il me dit même beaucoup de choses très-bonnes , très-sensées,
et ce n'était assurément pas un homme sans mérite , quoique ce fût un grand
 vilain."
  Le matin , monsieur l'abbé, qui ne voulait pas avoir l'air mécontent, parla
de déjeuner, et pria une des filles de son hôtesse , qui était jolie, d'en faire
apporter. Elle lui dit qu'elle n'avait pas le temps. Il s'adressa à sa sœur, qui
ne daigna pas lui répondre. Nous attendions toujours; point de déjeûner.
Enfin nous passâmes dans la chambre de ces demoiselles. Elles reçurent mon-