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 irréprochable pureté toutes les phrases d'un morceau sans jamais y
 ajouter un de ses traits inutiles qui ne procurent que le stérile plaisir
 d'étonner. Ses triomphes ne sont pas dus à ces tours de force avec
 lesquels un chanteur est toujours sûr d'obtenir ces applaudissements
 qui n'accroissent sa popularité qu'aux dépens de sa réputation ; le
 goût le plus sévère ne saurait protester contre ses succès. C'est cette
 voix si pure, si passionnée, ou tour-à-tour l'ame parle, l'amour
 soupire, la douleur pleure; c'est ce chant si large, si simple et si
 puissant par sa simplicité même, qui rend les larmes aux cœurs qui
 n'en ont plus, et qui tient suspendu à ses accents son auditoire pal-
 pitant, et si profondément ému, qu'il étouffe l'expression de son
 enthousiasme pour ne rien perdre de ces inimitables accents.
    Les représentations de Duprez feront époque dans l'histoire artis-
 tique de notre pays. Elles seront un souvenir et un enseignement qui
 aura une puissante influence sur l'œuvre de notre régénération
 musicale. Mais, au moment de notre conversion au beau et au bon,
la presse sur laquelle nous comptions pour nous défendre de notre
 prétendue incapacité pour les arts, la presse ordinairement si bien
 disposée à encourager le progrès, semble s'être fait un plaisir de
donner gain de cause à nos ennemis. Nous ne voudrions pas aujour-
d'hui récriminer contre quelques feuilletons, puisqu'ils n'atteignent
pas ce qu'ils attaquent, si ces compositions, de peu d'importance
 dans la pensée de leurs auteurs, ne devenaient pas des traits meur-
 triers qui blessent les mains qui les décochent; notre réputation de
 gens de goût n'est pas encore assez solidement établie pour qu'on
puisse la risquer sans danger dans des plaisanteries que nos ennemis
sont bien capables de prendre au sérieux. Tout récemment encore
quand un célèbre feuilletoniste do Paris nous a qualifié de peuple de
 Crétins, les gens qui pensent qu'un peuple de commerçants doit
nécessairement être dépourvu du sentiment des arts, n'ont pas
manqué de faire chorus à cette grossière épigramme. Que ne dira-t-on
pas lorsqu'on saura que nous, pauvres écoliers, à peine échappés au
rudiment, nous osons remettre en question une réputation musicale
faite par l'Italie, qui, ce nous semble, est pourtant assez bon juge
en musique !
   On nous a dit que Duprez, plein de sa dignité d'artiste et confiant