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   Oui, il est, dans la vie, un âge plein de confiance et de
candeur , où l'on croit à toutes les paroles , à tous les sou-
rires, où l'on ne connaît pointencore les différences de fortune
et de rang. On vit alors sous le régne de la plus parfaite
égalité. Le cœur se laisse aller à son tendre penchant, à son
naïf désir; un rien le comble de bonheur. Un mot, un regard !
et le voilà qui se construit un autre Eden , un paradis
sur cette terre. On s'aime , on se jure une éternelle flamme.
Un jour on se sépare avec des larmes pleins les yeux et le
désespoir plein le cœur. Un an ou deux après, qu'arrive-t-il ?
on retrouve à la promenade , son rêve , sa passion, son ange,
sa jeune fille aimée, aux bras d'un époux ou allaitant un nour-
risson. C'est à peine si l'on se reconnaît, et l'on passe l'un
près de l'autre sans échanger un mot, un sourire, un regard.
La vie vous a déjà appris tant de choses que vous ignoriez
naguères. Les différences de position et les convenances socia-
les se sont depuis dressées comme autant d'infranchissables
obstacles. Adieu vos fraîches et décevantes illusions ! La réalité
a fait de vous sa proie.
   Telle est notre histoire à tous.
   Sous l'influence de l'un, de ces tendres souvenirs , tout par-
fumées de poésie et d'amour , M. Louis de Saint-Marc a
écrit une gracieuse élégie. Son cœur l'a dicté. Mais chez lui
le rêve a été suivi d'un affreux réveil. Une de ses maladies
nerveuses, contre lesquelles la médecine est impuissante, s'est
emparée de lui, jeune enfant, et, dans cette lutte inégale,
elle l'a terrassé et laissé infirme pour toute sa vie. Qu'on
juge de la douloureuse réaction qui a dû s'opérer en lui?
Que de pensées, que de rêves refoulés et détruits. Tout ce
que la vie semblait lui promettre de délices et de joie, est
perdu pourlui sans retour. Ce frais mirage, cet oasis qu'on en-
trevoit à vingt ans, a disparu à tout jamais. Son ame est morte
aux ineffables jouissances renfermées en ces trois mots :
Aimer, être aimé! C'est en vainque, en son égoïsme., elle ap-
pellerait l'amour, la pitié seule lui répondrait.