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390 Oui, il est, dans la vie, un âge plein de confiance et de candeur , où l'on croit à toutes les paroles , à tous les sou- rires, où l'on ne connaît pointencore les différences de fortune et de rang. On vit alors sous le régne de la plus parfaite égalité. Le cœur se laisse aller à son tendre penchant, à son naïf désir; un rien le comble de bonheur. Un mot, un regard ! et le voilà qui se construit un autre Eden , un paradis sur cette terre. On s'aime , on se jure une éternelle flamme. Un jour on se sépare avec des larmes pleins les yeux et le désespoir plein le cœur. Un an ou deux après, qu'arrive-t-il ? on retrouve à la promenade , son rêve , sa passion, son ange, sa jeune fille aimée, aux bras d'un époux ou allaitant un nour- risson. C'est à peine si l'on se reconnaît, et l'on passe l'un près de l'autre sans échanger un mot, un sourire, un regard. La vie vous a déjà appris tant de choses que vous ignoriez naguères. Les différences de position et les convenances socia- les se sont depuis dressées comme autant d'infranchissables obstacles. Adieu vos fraîches et décevantes illusions ! La réalité a fait de vous sa proie. Telle est notre histoire à tous. Sous l'influence de l'un, de ces tendres souvenirs , tout par- fumées de poésie et d'amour , M. Louis de Saint-Marc a écrit une gracieuse élégie. Son cœur l'a dicté. Mais chez lui le rêve a été suivi d'un affreux réveil. Une de ses maladies nerveuses, contre lesquelles la médecine est impuissante, s'est emparée de lui, jeune enfant, et, dans cette lutte inégale, elle l'a terrassé et laissé infirme pour toute sa vie. Qu'on juge de la douloureuse réaction qui a dû s'opérer en lui? Que de pensées, que de rêves refoulés et détruits. Tout ce que la vie semblait lui promettre de délices et de joie, est perdu pourlui sans retour. Ce frais mirage, cet oasis qu'on en- trevoit à vingt ans, a disparu à tout jamais. Son ame est morte aux ineffables jouissances renfermées en ces trois mots : Aimer, être aimé! C'est en vainque, en son égoïsme., elle ap- pellerait l'amour, la pitié seule lui répondrait.