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bandes nombreuses formées de certaines corporations que
l'approche du mardi gras ressuscite comme par miracle. La
mythologie court les rues. Le Temps et l'Amour, ces deux ir-
réconciliables ennemis, se donnent la main pour trôner sur le
même char ; autour d'eux, voltigent, à cheval, des hercules,
des guerriers romains, des cosaques , et, à pied , des sapeurs,
des vivandières, des troubadours , des femmes vêtues en
hommes et des hommes vêtus en femmes , étrange armée où
se heurtent, à leur insçu, les plus choquants anachronismes
de temps et de costumes. Tel est à peu-près , de nos jours ,
le programme invariable de ces solennités annuelles. Toute-
fois, si cette tradition ne s'est pas perdue comme tant d'au~
très , si la folle semaine ramène encore les joies naïves et les
innocentes orgies , il faut avouer que notre carnaval, à nous,
n'est plus qu'une pâle et méchante imitation du carnaval de
nos pères. Autrefois, en effet, l'existence des corporations
donnait aux fêtes de celle époque un éclat et un ensemble
que l'on ne retrouve plus aujourd'hui. On mettait à profit ces
courts instants de liberté pour morigéner le pouvoir. Le peu-
ple cherchait un but à ses folies ; semblable à l'écolier, libre
pour tout un jour , il prenait, vite et gaiment, sa revanche
des vexations du maître. Ces mascarades avaient alors par-
fois un sens épigrammatique d'une haute portée ; l'année 1627
peut en fournir une preuve.
    En ce temps-là, disent les chroniques, las d'assister, payant
et battu, aux réceptions solennelles faites à ses rois , le po-
pulaire lyonnais s'avisa d'une petite vengeance , et parodia ,
l u i , roi pour un jour, ces mirifiques entrées, avec un rare
bonheur de comique ironie. Le 14 février 1627 , la cité , sans
qu'il lui en coûtât rien cette fois , vit l'entrée magnifique de
Bacchus avec Madame Dimanche Grasse, sa femme et leur
royal cortège. On ne dit pas si la plaisanterie fut du goût de
Messieurs les Echevins , et si la gendarmerie de l'époque fit
 son devoir. Quoiqu'il en soit , cette spirituelle facétie inspira
la verve comique d'un poète qui prêta à chacun des acleurs