page suivante »
3G0 circonstances , était aussi fort curieux. Une robe garnie au bas de larges bordures avec des manches qui dessinaient le bras jusqu'à la m a i n , et de là pendaient en longues banderolles ; des souliers à la polaine se terminant par une pointe longue d'un demi-pied à deux pieds (1) ; des cha- perons appelés papillons, sortes de chapeaux en forme de pains de sucre, de la hauteur d'une demi-aune, ornés de légè- res cornettes tombant à droite et à gauche, et d'un crêpe qui descendait jusqu'à terre et qu'on relevait élégamment avec la main en marchant : tels étaient les principaux objets de la toilette des dames de Lyon pour la bonne grâce desquelles Charles VIII, s'il faut en croire R u b y s , séjourna plusieurs jours dans notre ville , en 1493 , avant d'entreprendre la con- quête du Milanais. Cependant toutecettemultitude, rassemblée depuis plusieurs heures, attendait avec impatience l'arrivée du condamné. Quel- ques-uns maugréaient , d'autres glosaient plaisamment ou dis- sertaient sur les nouvelles du jour, à quelques pasdela potence. Au milieu d'un groupe qui l'écoutait avec beaucoup d'atten- tion, pérorait un des spectateurs qu'à son riche mantelet, à sa blanche chemise , et à la finesse de l'étoffe de son pourpoint ainsi qu'à ses manières aisées, il était facile de reconnaître pour un de ces marchands florentins qui avaient, à cette épo- que , le monopole du haut commerce. — Par notre Dame , c'est pitié , dit-il , que de voir si grande foule assister , bouche béante , à la pendaison d'un malotru. -Qui certainement aurait reçu sa grâce, répondit un voisin, si le roi de France n'avait pas quitté la ville. — Ou plutôt si Monseigneur deRohan n'avait pas son droit de justice. — Mais il pourra bien lui être enlevé , son droit de justice, repartit un troisième. Il a fait effacer l'écusson royal gravé sur la porte de l'hôtel de la sénéchaussée , et le ciel me confonde » si le gouverneur subit cet affront sans mot dire. (1) Ces souliers étaient communs aux hommes.