page suivante »
83 Voici un changement de décoration. La rampe est baissée, le lustre est couvert, la scène n'est éclairée que par une l u - mière t e r n e , qui jaunit les acteurs ; pauvres diables déjà assez décolorés par la faim, et qui se pressent déguenillés autour de saint François de Sales. — C'est une composition d e Robert Fleuri. Ce sont de ces œuvres qu'on estime et qu'on aime peu. Il y a du talent; il y manque ce je ne sais quoi qui donne de la vie aux choses. Je passe sous silence quelques autres productions insigni- fiantes ou mauvaises. A quoi bon! l'amour p r o p r e est une surdité morale que ne peut percer la voix du critique. Pour- quoi troublerais-je la joie de ceux qui se croient appelés ? Je laisse donc en paix les portraits de M. J a c o m i n , les Troupiers et les Villageoises de M. Genod, la Danaé de M. D u p r é , l'Enosh de M. F r e n e t , et tutti quanti. Mes confrères ont prétendu que lorsqu'on ne savait pas dessiner, on s"e jetait dans le paysage. — Le p a y s a g e , à ce compte , serait la chambre des pairs de la peinture. — Pau- vres peintres de paysage, comme on vous traite! Pour ma p a r t , je ne vous fais pas cet outrage. — Bien des peintres en histoire ne seraient que des croûtes en paysages, et j'estime le talent de ceux-ci à l'égal des autres. J'aime autant Poussin et Ruysdael que Raphaël et Rubens. — L e mystère de la vie est partout difficile à rendre. — Ceux-là sont grands qui parviennent à l'initiation de ce grand secret. C'est pourquoi j'ai une prédilection marquée pour les ou- vrages de Guindrand. — Les pays qu'il déroule, je les ai vus quelque p a r t ; peut-être dans mes r ê v e s ; car il rencontre merveilleusement le site tranquille et agreste où, en mes jours de lassitude, je me plais à bâtir une retraite. Ses paysages n'ont rien de commun avec ces œuvres de l'imagination, es- pèce de jardins anglais, dans lesquels le caprice de l'homme se montre partout comme un frontispice. Ce qu'il arrange ressemble si fort à ce qui e s t , qu'on se prend à chercher dans ses souvenirs si l'on n'a point passé par là . Seulement