Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
[ Revenir aux résultats de la recherche ]
page suivante »
                                310
Forêille. Je vois bien qu'elle me méprise, parce qu'elle
est une sainte, et que je ne suis, moi, qu'un guerroyant
baron, plus ennemi des payens que fidèle à la loi chré-
tienne. Et maintenant, si elle ne me tend pas les bras la
première, comment oserai-je seulement approcher d'elle?
car déjà j'ai vu son front resplendir de la céleste auréole ,
et les trois roses de la vierge sainte apparaître dans ses
noirs cheveux. Puis, tout pensif, le bon Danois Oger re-
vêtit son armure, ceignit Courtain son épée, et monta son
bon cheval Broiefort. Il chevaucha tant et si bien, qu'en-
fin Glorîande reconnut au loin dans la plaine poudreuse
l'armure étincelante de son époux. Elle accourt au plutôt
 à la porte d'honneur, e t , du haut du perron de marbre,
 elle le salue de la main. Mais Oger, qui veut éprouver
 son amour par de trompeuses paroles , reste sur ses ar-
 çons , et lui dit, en s'efforçant d'imiter la voix sévère qu'il
a dans les batailles :
   — Fille de Caraheut, il vous faut retourner au plutôt
chez votre oncle payen dans la lointaine Hyrcanie. Vous
aurez beaucoup d'or pour le voyage- mais faites place à
l'épouse chrétienne que j'ai choisie dans la parenté de
l'empereur. Car Ye seigneur des Danois ne peut avoir
pour femme son esclave sarrasine.
   Gloriande n'est pas sans soupçonner feinte et trompe-
rie 5 car il y a quelque chose qui sonne faux dans cette
voix si loyale et si noble ; et cependant elle reste comme
si la foudre fût tombée à ses pieds, immobile, tremblante
et pâle devant le roi de sa vie, et le regardant avec des
yeux égarés. Oger ne put la voir souffrir, et feindre plus
long-temps, il se précipita au devant d'elle et la pressa
sur son cœur avec un rire mêlé de douces larmes.
   Délices du cœur, voluptés ineffables de deux amants,