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   — Noble empereur, dit-il, ici nous avons grand dom-
mage. Voyez Tenseigne à laquelle nous devions nous
rallier. C'est bien à tort que vous l'avez confiée à Alori, le
félon. Le voyez-vous qui s'enfuit à travers champs, et
monte déjà la colline!
   — Grand Dieu ! dit Charles, quelle mortelle trahison!
Mais il n'y a plus que Dieu et saint Pierre qui puissent
m'en tirer vengeance.
   Notre empereur voit ses chevaliers morts et vaincus,
détranchés et sanglants. Il plaint Hugue de Troie, le noble
duc Sanson, Naimes, son vieil ami, dont la barbe est si
blanche et les conseils si prudents. Mais il plaint surtout
le bon archevêque de Rheims; car il n'y eut jamais si bon
clerc, ni meilleur chevalier. Tous trois sont prisonniers
des cruels payens.
   O sublime trouvère, qui nous avez conservé cette vé-
ridique histoire, vous racontez ici quels grands coups
Charlemagne donna de Joyeuse, son épée, pour recouvrer
ses chevaliers et son bon chapelain. Mais il faudrait cent
voix de fer pour le redire, cent plumes de fer pour l'é-
crire.
   Cependant l'enfant Oger voyait la bataille immense de
la tour où il était placé, et la vue de tant de hauts faits
lui faisait regretter plus amèrement encore sa mort pro-
chaine. Pour voir aussi le glorieux combat, les pages de
 Charlemagne, naguères gais compagnons d'Oger, tous fils
de princes et de rois, s'étaient réunis sur la tour Magne
et sur les murailles d'alentour. Tous ils aimaient Oger, le
meilleur d'entre eux, comme un frère. Ils ne daignè-
rent souffrir qu'il restât un moment de plus au pouvoir
de ses bourreaux, en cela plus hardis que leurs pères :
un enfant ne craint rien, pas même la colère de Chai-le-