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290 bre des peuples de la terre. En même temps les fiers Danois ont renié par félonie la foi chrétienne qu'ils avaient acceptée par trahison. Aussi l'empereur Charles, dont la barbe est chenue, avait mandé tous ses barons et tous leurs hommes. A cette nouvelle, personne n'a voulu rester chez soi. Ils sont tous arrivés, tous réunis. Ils veulent aller en Italie; ils veulent sauver, s'il en temps encore, la capitale du saint empire et de la sainte foi. « Quand finiront tous ces délais? quand pourrons-nous frapper d'estoc et de taille? Veut-on déli- bérer long-temps encore ? » Quand Charlemagne a su cela, il leur a fait dire aussitôt : « Demain tous vous par- tirez. » Car si jamais suzerain n'eut de. meilleurs vassaux, jamais aussi vassaux n'eurent un meilleur suzerain. Ensuite Charlemagne s'en alla souper et les douze pairs avec lui. Les douze vont s'asseoir à la table qui leur est préparée. Tous mangent à la même table, tous mangent du même pain. Non loin d'eux, sur une estrade élevée, leur vieil empereur était assis, silencieux et triste. Des fils de rois le servaient, et la couronne du monde était placée sur sa tête blanchie par les ans. Les douze n'osaient par- ler par courtoisie, et se taisaient par respect. Charlema- gne s'en aperçoit, et juge qu'il est bon de plaire à ses vassaux par des paroles amicales. — Eh bien! mes pairs, leur dit-il, vous qui mangez mon pain, votre empereur ne doit-il donc reposer que dans sa tombe? Toujours de grands combats, toujours des guerres lointaines, et le saint empire toujours en péril. Mais quelque soit le nombre et la rage de ces payens, que Dieu confonde, jamais ils n'amolliront vos courages. Et moi, votre empereur, bien que cent longues années aient blanchi mes cheveux et desséché mes os, je ne me