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  cultes, la liberté c o r p o r e l l e , il faut convenir aussi qu'on
  lui laissait tout l'exercice de son intelligence. Dès lors ceux
  que les droits seigneuriaux n'avaient pas tout-à-fait abrutis
  osèrent lever la tête, bien humblement sans d o u t e , e t , p r o -
 tégés par les franchises qu'ils devaient à leur patience et à
 leur obstination, ils se livrèrent aux arts, et exhalèrent, par
  de prodigieux monuments de tout genre, le profond, l'intime
 sentiment qui les possédait. Corporations , jurandes , m u n i -
 cipalités , telles furent les digues que le génie opposa pen-
 dant dix siècles aux envahissements successifs de l'aristocratie
 ignorante et brutale. Tout ce qui est art au moyen-âge part
 delà.
    D'un autre côté, le serf abruti acquérait en énergie ce qu'il
 perdait en rectitude, en délicatesse. D'honnête et simple
 journalier qu'il était d'abord, descendu bien vite au rôle cruel
 d'esclave ; constamment repoussé dans son néant par ses
 m a î t r e s , maltraité par le premier venu , honni et conspué
 par tout noble ou affranchi, il se replia violemment sur lui-
 m ê m e , et amassa contre tout supérieur ce besoin de ven-
 geance, ces trésors de haine, cette rage d'anéantissement que
 nos époques froides et sans sel ne comprennent ni n'osent
 croire. Les artistes, privilégiés anonymes qui vivaient paral-
 lèlement aux serfs, soutenaient de leur côté par d'incroya -
 blés élans d'imagination l'oppression matérielle de leurs frè-
 res , 3t léguaient à la postérité ces m o n u m e n t s , emblèmes
 de leur situation, de leur p a s s é , de leurs espérances. Le ré-
 gime du sabre, loin d'anéantir le goût du beau et l'amour
des a r t s , me paraît donc l'avoir singulièrement excité : du
m o i n s , il est certain que nous devons à ce barbare moyen-
âge les plus nobles faits d'armes , les plus admirables dévoû-
m e a t s , les plus grandes idées, les pensées les plus fories,
en un m o t , qu'en puisse trouver dans les siècles passés.
    Plus tard la renaissance amena le goût des études. De là
le doute, de là l'incertitude , parce que de l à la réflexion.
Epoque de réaction de la part des populations, mais de résis_