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les femmes, galant surtout auprès d'Emma; et, lorsque le soir
fut venu, profitant de la confusion du départ, il lui ravit un baiser
que celle-ci ne lui rendit pas, ce dont il se consola, en songeant
que c'était peut-être par volupté et pour savourer seule ce délire.
Ce jour-là, un rendez-vous avait été demandé et accordé pour
le jeudi suivant. Anatole n'eut garde d'y manquer. Admis dans
le boudoir d'Emma,il lui fit de nouveau et dans une éloquente
improvisation, l'aveu de son amour passionné et par des baisers
de feu l'inocula dans son ame à moitié vaincue. «—De grâce, Ana-
« tôle, ne me donne plus de tes baisers... ce sont des brasiers
« qui me consument. » Les choses en restèrent encore là pour cette
fois. Mais, peu de jours après, le roman se dénoua, comme il est
d'usage. L'analyse sera plus chaste que le livre et se taira sur les
 circonstances du bonheur de l'incandescent Anatole qui reçut
enfin la récompense de l'intensité de son amour. Quelques mois
plus tard, Emma était mariée à un autre, unie à un homme
dont le cœur était sec et qui, pour toute sensation, n'avait que de
la fortune. Anatole chercha vainement à se consoler; en vain , il
se rejeta dans ses études, en vain , il se replongea dans le tour-
billon du grand monde, le souvenir d'Emma le poursuivait par-
tout , car « pour une ame flétrie l'espérance n'est plus rien : c'est
une coupe remplie d'un breuvage délicieux qu'on lui offre quand
une soif ardente l'a déjà consumée par ses stigmates de feu. «
Emma avait bien dit : m'aimerais-tu assez pour m'épouser, si
j'étais veuve une seconde fois? Mais Emma mourut avant d'avoir
eu la consolation de fermer les yeux à son deuxième époux.
Abandonnée d'Anatole au moment qu'elle avait besoin de le
voir, une fièvre s'empara de ses membres devenus grêles, et bien-
tôt elle expira, la pauvre femme ! à l'heure où cet ouvrage allait
être livré à la publication, Anatole nous apprend que c'est à
son tour de mourir, qu'une toux caverneuse l'épuisé et que de ses
deux poumons il n'ose chercher ce qui lui reste. Puisse-t-il lui en res-
ter assez pour mener à bonne fin le poitrinaire qu'il nous annonce
et dont nous vous rendrons compte aussitôt qu'il sera livré à la
publication !
                                                 CF.